Talia (Nadège Bibo-Tansia) a pris sa décision sur un coup de tête, sautant dans un vol direction Dakar. Jusqu’ici, elle s’était pourtant toujours sentie parfaitement à sa place à Bruxelles. Dans la ville, avec sa famille et avec son petit ami, Lars. Mais un jour, les récits, les cartes postales et les reportages à la télévision ne lui suffisaient plus. Elle avait envie de plus et, surtout, envie de voir le pays de ses parents par elle-même. Talia est donc partie seule à la conquête du Sénégal avec pour unique point de chute, l’adresse d’une cousine.
La vingtaine décomplexée, sa cousine Binta (Oumy Sow), véritable fashion victim, est le prototype de la Dakaroise hyperconnectée. Elle veut faire découvrir à Talia le «vrai Dakar», version cocktails, piscine et boîte de nuit. Pas question que la Bruxelloise s’imagine que les Dakarois sont tous des paysans arriérés. Binta n’est en revanche pas très pressée de faire découvrir à Talia les réalités ou monuments de la ville… Ni de lui parler de sa famille et notamment de sa grand-mère qui n’habite plus avec eux depuis longtemps.
Pour Talia, la déception est grande. Elle imaginait autrement son retour aux sources. La barrière de la langue et des habitudes culinaires, entre autres, l’amène à se sentir étrangère sur ses propres terres. Un sentiment d’étrangeté inattendu. Sans véritable guide ni repère, Talia erre seule dans les rues de Dakar, à la fois déterminée et proie facile… Un jour, sa route croise celle de Malika (Aminata Sarr), une vendeuse ambulante, fière et téméraire, qui se déplace à moto et est intriguée par cette jeune fille noire venue d’Europe.
A cheval entre deux rives
Au-delà même de la thématique de la double culture et de la diaspora afropéenne, le film aborde le délicat passage de l’adolescence à l’âge adulte où la question de l’identité se pose avec d’autant plus d’acuité lorsqu’une partie de vos racines familiales est ancrée ailleurs.
Un sujet évoqué avec tact, filmé avec finesse et retenue, qui laisse la place à l’imaginaire et au symbolisme, à la découverte sensorielle d’un territoire totalement neuf pour Talia. Son expérimentation passe par le corps et le mouvement, par le fait d’arpenter la ville, d’aller à la rencontre des autres pour tisser de nouvelles expériences.
Christophe Rolin avait déjà réalisé un précédent court métrage au Sénégal, Dem Dem, avec Pape Bouname Lopy et Marc Recchia et des étudiants de Ciné-banlieue, école située dans la banlieue de Dakar. C’est ainsi que lui est venue l’idée d’imaginer le voyage inverse, de l’Europe vers l’Afrique.
Ce premier long métrage, il l’a écrit et réalisé en s’appuyant sur les récits collectés auprès de jeunes Belges d’origine africaine, mais aussi en étoffant son scénario au fil des différentes sessions de tournage au Sénégal. Le récit est porté par une lumineuse jeune actrice, Nadège Bibo-Tansia, originaire du Congo, qui effectue là son vrai premier voyage en Afrique. Et deux actrices sénégalaises – Aminata Sarr (Malika) et Oumy Sow (Binta) – qui font bien miroiter les multiples facettes de la réalité dakaroise.
Le film a été présenté en avant-première au Briff, en juin dernier, devant une salle comble et enthousiaste. Il a déjà glané de nombreux prix dans des festivals à l’étranger.
Karin Tshidimba
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