Enterrer le franc CFA pour retrouver sa souveraineté monétaire, rompre l’un des derniers liens de sujétion avec l’ancienne puissance coloniale, c’est un sujet très populaire parmi la jeunesse ouest-africaine. Un geste qui serait très fort sur le plan politique, mais lourd de conséquences économiques.
Une rupture brutale pourrait faire fuir les investisseurs et précipiter le pays dans une crise financière. Pas vraiment ce dont a besoin le Sénégal. Pas plus que les sept autres pays partageant cette monnaie. Même les trois pays dirigés par des juntes militaires, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, n’ont pas osé franchir le Rubicon. Ils veulent quitter la Cédéao, la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest qui les a sanctionnés, mais pas question pour le moment de sortir du CFA.
Fort de la légitimité des urnes, Diomaye Faye devient un porte-voix régional d’un mouvement jusqu’alors très populaire dans la rue, mais pas du tout assumé au niveau des dirigeants. À lire aussiRabah Arezki, économiste : « Le franc CFA a permis de juguler l’inflation » L’approche prudente privilégiée par Diomaye Faye Il reste cependant très précautionneux. Il souhaite d’abord se concerter avec les pays concernés par l’éco, la future monnaie commune de l’Afrique de l’Ouest.
Une approche conforme à l’esprit de la réforme du franc CFA entérinée en 2020 par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron. Les pays membres de la zone franc ont alors prévu d’abandonner le CFA au profit de l’éco. La date butoir de la création de l’éco est fixée à 2027. Elle pourrait encore être repoussée, car les discussions durent depuis trente ans.
Chacun sait que parvenir à un accord exige de gros efforts de convergence économique et budgétaire entre les quinze pays intéressés. Si les conditions ne sont pas réunies au niveau régional, « le Sénégal pourrait considérer l’option de cette monnaie nationale », nous a indiqué Cheikh Fatma Diop, qui a coordonné le programme économique du Pastef. Au préalable, nous explique l’économiste, le Sénégal devra assainir ses comptes publics en renégociant sa dette, améliorer la balance commerciale aujourd’hui déficitaire et se constituer des réserves d’or pour garantir la future monnaie. Un processus qui prendra plusieurs années.
Une monnaie aux avantages controversés Depuis la réforme, le contrôle effectué par Paris a quasiment disparu. Les pays membres de l’UEMOA ne sont plus contraints de maintenir la moitié de leurs réserves dans les livres de compte du Trésor français et il n’y a plus de représentants français au sein des instances de gouvernance de la monnaie commune aux huit pays d’Afrique occidentale.
Demeure le nom, le franc CFA, un symbole encombrant qui circule tous les jours dans les mains des usagers. Et la parité garantie avec l’euro. Une assurance appréciée par les opérateurs qui utilisent cette monnaie. Mais pas très adapté à un pays souhaitant favoriser les exportations.
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