Le Nigeria fait face à l’une de ses pires épidémies de diphtérie

Le Nigeria fait face à l’une de ses pires épidémies de diphtérie

« Elle est atteinte de diphtérie et nous devons l’admettre en soins intensifs », dit, le visage dissimulé par un masque, Usman Hassan, médecin de l’hôpital Murtala Mohammed, soutenu par l’ONG Médecins sans frontières (MSF).

Le Nigeria se bat actuellement pour contenir sa pire épidémie de diphtérie depuis 1989, une infection bactérienne très contagieuse qui s’attaque aux voies respiratoires et à la peau.

Après de premiers cas enregistrés en 2022, l’épidémie s’est propagée à près de la moitié des 36 États qui composent le pays, infectant 14.000 personnes et en tuant environ 800 depuis le début de l’année.

La plupart des cas et infections ont été enregistrés dans l’Etat de Kano, l’un des plus peuplés du pays, et aussi l’un des plus pauvres.

Jeudi dernier, Kano avait ainsi enregistré 10.700 cas de diphtérie et plus de 500 décès, selon MSF qui précise que les femmes et les enfants de moins de cinq ans sont les groupes les plus vulnérables.

Sans traitement, la diphtérie peut tuer la moitié des personnes infectées et reste mortelle chez 5% des patients traités.

Dans le pays au 215 millions d’habitants, la vaccination contre la diphtérie a chuté depuis 2020, lorsque l’attention mondiale s’est concentrée sur la lutte contre la pandémie de COVID-19.

Selon Abubakar Laban Yusuf, commissaire à la santé de Kano, c’est « la principale raison de la recrudescence que nous observons aujourd’hui à Kano », en imputant la responsabilité de l’interruption des vaccinations au précédent gouvernement de l’État, qui a quitté le pouvoir en mai.

Selon lui, Kano est à l’origine de 80% des infections par la diphtérie au Nigeria parce que l’Etat n’a pas procédé à la vaccination de routine pendant 19 mois.

La défiance vaccinale

L’Etat de Kano a besoin, à lui seul, de 31 millions de doses de vaccin pour les groupes à risque, un objectif difficile à atteindre en raison de « contraintes d’approvisionnement et de fonds », selon MSF.

D’après Hussein Ismail, coordinateur du projet de MSF à Kano, « il y a une pénurie mondiale de vaccins contre la diphtérie (…) Il faut 15 jours pour produire un flacon de vaccin et la demande mondiale est élevée ».

L’ONG en appelle au soutien de la communauté internationale. Jusqu’à présent, elle a fourni 7.000 vaccins contre la diphtérie à Kano, tandis que le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a fait don le mois dernier de 1,2 million de doses de vaccins à l’État.

La défiance vaccinale au sein de la population est l’autre défi à relever par les autorités sanitaires nigérianes.

La semaine dernière, deux mères ont affirmé que leurs enfants avaient développé des complications rénales après avoir été vaccinés contre la diphtérie.

Leurs affirmations, diffusées à la radio locale, ont rapidement circulé. « Ces allégations ont jeté un pavé dans la mare, car de nombreuses personnes sont désormais sceptiques à l’égard du vaccin contre la diphtérie et nous devons intensifier la sensibilisation », a prévenu M. Ali-Suwaid.

La méfiance à l’égard des vaccins n’est pas nouvelle.

L’État avait suspendu la vaccination contre la polio pendant 13 mois entre 2003 et 2004, à la suite de rumeurs, selon lesquelles le vaccin contre la polio contenait des substances susceptibles de rendre les filles stériles, dans le cadre d’un complot occidental visant à dépeupler l’Afrique.

Cette suspension avait fait de Kano l’épicentre de la transmission à d’autres régions du monde qui étaient auparavant exemptes de polio.

Bien que les autorités aient depuis repris la vaccination contre la polio, les soupçons concernant la sécurité des vaccins persistent.

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