A la veille de ses soixante-deux ans d’indépendance, la RDC peine toujours à exister en tant qu’État souverain. Depuis 1960, elle est affaiblie institutionnellement, incapable d’assurer sa sécurité et de préserver son intégrité territoriale. D’aucuns diront qu’il s’agissait simplement d’une Indépendance de façade.
En 1965, le processus politique s’envenime et se perturbe ensuite avec l’accession au pouvoir de Joseph Désiré Mobutu à travers un coup d’État. De là, se succèdent jusqu’aujourd’hui des régimes qui ne sont pas dotés de légitimité populaire car installés sans élection libre et transparente. En effet, les multiples contestations qui découlent de ces scrutins douteux ne permettent pas aux institutions étatiques d’exercer pleinement le pouvoir de leurs fonctions créant de facto un déséquilibre socio-politique permanent.
En remontant jusqu’à l’époque coloniale, il y a un constat qui pourrait expliquer l’état actuel de déliquescence de la RDC. On retrouve une collision permanente entre les centres d’intérêts économiques et la conception d’une République et du bien-être social.
Les centres d’intérêts économiques typiquement de nature exogène désirent l’accès aux matières premières avec la moindre, voire aucune résistance étatique et humaine. Par conséquent, ils adoptent un modèle économique uniquement basé sur l’extraction des matières premières. On assiste donc à l’extirpation des ressources sans conscience morale et sans tenir compte des conséquences écologiques, sociales, encore moins humaines. Ce sont les caractéristiques mêmes du néo-libéralisme.
Or, dans la conception d’un État fonctionnel, celui-ci est l’organe suprême et régulateur dans la gestion des ressources, c’est lui qui doit préserver le bien-être social et sécuritaire des citoyens.
Confronté à cet enchevêtrement, la RDC reste clouée au sol, victime de toutes sortes d’agressions tant militaires, politiques qu’économiques. Il devient impératif de remettre en place le processus politique qui a déraillé depuis son indépendance. De là découleraient des institutions fortes capables de réunir tous les centres d’intérêt tant endogènes qu’exogènes.
Le cas du M23 est particulièrement éclairant. Cela fait près de dix ans que la RDC accuse ce mouvement rebelle de n’être rien d’autre qu’un transfuge de l’Armée Rwandaise en RDC. Après ses dernières incursions, la RDC vient encore de brandir cette accusation haut et fort, chose que le Rwanda rejette fermement.
L’année 1997 marque la chute du régime du Marechal Mobutu par l’AFDL un mouvement rebelle parrainé par le Rwanda et l’Ouganda. Partant de là, l’Est de la RDC connaît une des plus horribles tragédies de l’humanité. Le rapport Mapping de l’ONU datant du 1er octobre 2010 retrace les faits en détail.
La tragédie de l’Est de la RDC est également connue comme une guerre économique. Cette partie de la RDC qui échappe au contrôle de l’État est une sorte de “No man’s Land”. Un Eldorado ou l’on peut prospérer dans les affaires. On y observe les méthodes du modèle économique d’extraction décrit plus haut, adaptable au concept du néo-libéralisme. On découvre ainsi que le Rwanda, un des neuf voisins de la RDC, est devenu en 2013, le premier exportateur de Coltan. Selon l’agence Ecofin, cette année-là, le Rwanda a exporté 2. 466.025 kg de tantale soit 28% de la production mondiale. Surréaliste et contradictoire alors que le Rwanda ne possède pas ces matières sur son territoire.
En 2013, suite à son démantèlement, le M23 se scinde en deux branches, Makenga et sa branche se sont exilés en Ouganda, tandis que Runiga s’exile au Rwanda. Neuf ans plus tard, le mouvement renaît de ses cendres doté d’une capacité de frappe nuisible comme nous le démontrent les derniers événements. D’ailleurs, depuis le 13 Juin 2022, il contrôle Bunagana (ville frontalière de l’Ouganda) et pourrait étendre son emprise jusqu’à Goma. Pour tout observateur averti, il n’y a aucun doute du soutien et du parrainage de ses deux pays hôtes. Pourquoi maintenant ? Revenons sur leur cahier de charges. Parmi tant d’autres, le M23 exige une réinsertion dans l’appareil sécuritaire de la RDC tout en précisant que ces officiers ne sont pas disposés à une éventuelle relocalisation hors de la province du grand Kivu. Cette seule revendication ne susciterait-elle beaucoup d’interrogations sur la véritable démarche de ce groupe lorsqu’il est clairement établi qu’il existe un lien avec les pays limitrophes.
Depuis les années 90, le Rwanda et l’Ouganda jouissent d’un parrainage anglo-saxon politique et militaire (les États-Unis et le Royaume-Uni). Les Anglo-saxons ont appelé ça la politique de renaissance et voulaient une nouvelle vision politique pour l’Afrique centrale. Ainsi, le Rwanda et l’Ouganda, désignés comme les nouveaux gendarmes de la région se sont lancés dans le parrainage politique à l’intérieur de la RDC et dans de multiples incursions militaires à travers leurs proxies locaux. Il s’agit de l’établissement d’une nouvelle idéologie politique de grand conquérant nécessitant impérativement la conquête du géant Congo. Tel est et demeure le seul ordre du jour jusqu’à cette date.
De fait, au sein des institutions républicaines, cet engrenage politique dessert les intérêts de la République vu que ces dignitaires font allégeance aux intérêts de leurs parrains. Cela fait près de 25 ans que la RDC connaît une désolation humaine qui ressemble de plus en plus à un esclavagisme moderne à cause de cette pensée politique qui démontre clairement ses limites. Suite aux dernières incursions militaires, l’indignation des Congolais à travers le monde entier se fait ressentir et le peuple congolais se montre de plus en plus résilient.
En conclusion, je me saisis donc d’un devoir moral de rappeler l’Occident incapable de nommer les coupables et de mettre fin à cette tragédie, qu’il s’agit ici d’une question non seulement d’éthique morale mais aussi de justice. Le 21e siècle s’écrit déjà autrement que prévu, le parallélisme de l’histoire du monde devrait nous servir de leçon, il fut un temps ou la Chine fut la risée du monde à travers de multiples humiliations. Aujourd’hui, elle domine économiquement le monde. De même pour la RDC en quête de se doter d’un État fort, elle doit en premier abroger son adhésion dans l’immédiat au sein de la communauté des pays de l’Est. Ensuite, elle doit rompre ses relations diplomatiques avec le Rwanda ainsi qu’avec l’Ouganda jusqu’à un établissement de coopération bilatérale équilibré avec ces derniers.
Dans ce context, un question s’impose : quel rapport l’Occident, s’il demeure amorphe, compte-t-il entretenir avec une future nouvelle République en RDC ?
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