Maurice Thiriet est mort il y a un peu plus de 50 ans, en septembre 1972. Le compositeur, incontournable pour les musiques des films français du milieu du siècle passé (il a notamment signé celles de Les Visiteurs du soir ou Les Enfants du paradis de Marcel Carné, de Fanfan la tulipe de Christian-Jacque ou encore Les Grandes familles de Denys de La Patellière) a aussi mis sa patte sur La Nigérienne, hymne national du Niger. Un morceau signé en 1961, quelques mois seulement après l’accession de cette colonie française à l’indépendance.
Mais depuis quelques années, le message véhiculé par ce chant suscitait de nombreuses critiques. Beaucoup pointaient un texte paternaliste qui préconisait “Soyons fiers et reconnaissants de notre liberté nouvelle” et qui évoquait aussi la “Race sans tutelle et les glorieux accents”. La musique aussi, très bleu-blanc-rouge, suscitait les railleries et la colère des mélomanes nigériens. À la fin de son second mandat, le président Mahamadou Issoufou, chef de l’État de 2011 à 2021 a osé faire le premier pas en direction de “quelques adaptations ou d’un nouvel hymne”. En 2019, un comité d’auteurs-compositeurs, écrivains, militaires et musiciens a été mis en place pour travailler sur ce projet qui se voulait fédérateur pour toute une nation.
Quatre ans plus tard, le nouvel hymne baptisé Pour l’honneur de la patrie, qui fait référence aux luttes anticoloniales et à la résistance contre les groupes djihadistes qui frappent le pays depuis 2015, a été adopté à l’unanimité ce jeudi 22 juin par l’Assemblée nationale et son texte sera introduit dans l’article premier de la Constitution. Pour le ministre de la Culture de ce pays dont la démocratie vacille sous les coups de boutoir des djihadistes, la mobilisation des députés en faveur de ce nouvel hymne démontre : “le sens des responsabilités et du patriotisme qui anime chacun d’entre vous” (!)
Les strophes de la discorde en Algérie
Un peu plus au nord, l’Algérie, autre ex-colonie française, a décidé par la voix de son président Abdelmadjid Tebboune de remettre au goût du jour une version de l’hymne national édulcoré depuis 1986. Depuis cette année-là, les présidents successifs (Chadli Bendjedid, Liamine Zeroual et Abdelaziz Bouteflika) avaient décidé de mettre en sourdine certains couplets du texte rédigé par le poète Moufdi Zakaria, qui l’a écrit dans la cellule où l’avait enfermé le colonisateur français. La version originelle devrait donc réapparaître “à certaines occasions” et dit : “Oh, France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Oh, France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin !”
Paris n’a pas apprécié et la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a expliqué que la strophe polémique était “très datée” et que son rétablissement intervenait “à contretemps” alors qu’Alger et Paris étaient en train d’explorer de nouveaux horizons pour améliorer leurs relations. Qui a dit que la musique adoucit les mœurs ?
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