Le téléphone sonne à Kinshasa et au bout de fil, il y a Kamanda Wa Kamanda Muzembe, mais il n’a pas le temps de nous répondre : sa dernière revue de presse n’est pas encore bouclée, le travail avant tout, l’interview attendra. Quelques minutes plus tard, on rappelle et il est disponible pour revenir sur plus de 40 ans de carrière.
RFI : Kamanda, est-ce que le journalisme a été une vocation ?
Kamanda : Non, je voulais devenir médecin, mais il y a eu des répressions étudiantes pendant le régime de Mobutu, au début des années 1970. Des jeunes ont même été enrôlés, plusieurs universités fermées. J’ai échappé à l’enrôlement, mais je n’ai pu m’inscrire dans le cursus de médecine, je me suis donc dirigé vers un cursus de français et de linguistique.
Après est arrivé le journalisme, et quand j’ai terminé mes études, je suis rentré au plus grand quotidien du soir de Kinshasa : Elima. J’y suis resté cinq ou six ans avant de présenter le concours de la Voix du Zaïre, à la Radio-Télévision nationale congolaise.
Et c’est à la Voix du Zaïre que vous avez appris à faire de la radio ?
Exactement, c’est là où j’ai commencé à la radio. J’en garde de très bons souvenirs, c’étaient de bons moments, notamment quand avec Kasongo Mwema Yamba Yamba, Kasangana Mbengu, nous présentions alors l’édition du journal du matin, « Zaïre matin week-end ». On nous appelait les 3K. Je serais resté très longtemps à la Voix du Zaïre, mais quand l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila est arrivée au pouvoir, j’ai été mis de côté. Avec plusieurs autres journalistes, nous avons même été arrêtés, fouettés, avant d’être mis à l’écart.
En parallèle, vous aviez déjà commencé votre collaboration à la radio panafricaine Africa N°1 ?
Oui, j’ai commencé en 1991, j’ai collaboré avec cette radio pendant une dizaine d’années. C’est pour moi le début des reportages. Jusqu’à ce que je sois approché par RFI, par Jean-Karim Fall, Christophe Boisbouvier et Ghislaine Dupont.
Nous sommes au début de juillet 2001 et je commence à travailler pour RFI. C’est pour moi une consécration. À partir de là, je ne pouvais plus travailler pour un autre média concurrent et c’est donc le début de plus deux décennies de collaboration.
Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?
Que ce soient les 10 années à Africa N°1 et mes nombreuses années à RFI, c’est surtout beaucoup de reportages. J’ai été partout à l’intérieur du pays, je suis même allé dans d’autres pays africains, mais aussi en Europe, en Asie. J’ai aussi couvert tous les régimes en place depuis Mobutu et des conflits.
Plusieurs fois, je me suis rendu dans des zones en guerre, des zones de combats. Et j’ai rencontré des grands hommes. J’ai connu tous les dirigeants du pays, même ceux d’aujourd’hui. Ces deux médias m’ont permis de quitter le carcan du Congo pour être suivi dans le monde entier.
Votre reportage le plus marquant ?
C’est à Kisangani pendant l’avancée de l’AFDL à la fin des années 1990. L’armée de Laurent-Désiré Kabila est aux portes de la ville, on nous dit qu’ils sont déjà dans les bananeraies alentours. Des militaires nous demandent, avec un autre journaliste, d’aller à l’aéroport rapidement de prendre l’avion pour ne revenir que le lendemain.
Finalement, l’AFDL prend la ville très rapidement et nous ne sommes jamais revenus à Kisangani. Je me souviens aussi des camps de réfugiés rwandais vers Goma en 1994, je les avais visités avec le Premier ministre Léon Kengo. Ce sont des choses qui me marquent encore aujourd’hui.
Est-ce que vous allez rester un auditeur de RFI ?
Oui, je ne vais pas me couper de l’information. J’ai passé toute ma vie dans l’information, pourquoi me couperais-je de l’information alors que je prends ma retraite ? Au contraire, je dois continuer à m’informer. D’autant plus que j’écris un livre sur ma carrière ! Je retiens de Kamanda wa Kamanda un journaliste talentueux et vraiment professionnel.
RFI
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