Mama Eyenga pousse la porte brinquebalante de chez elle. Un abri exigu fait de tôle, sans électricité ni fenêtre, où elle vit avec ses trois enfants. « Ici, je range les assiettes et, juste à côté, les habits. On dort tous sur ce petit matelas par terre.
Quand il pleut, on prend le seau pour vider l’eau, sinon c’est inondé. Voilà comment on vit. On ne peut pas avoir mieux, parce que je n’arrive même pas à finir le mois avec 100 francs », déplore-t-elle. Mama Eyenga, 45 ans, vit au jour le jour de la vente de boissons qu’elle confectionne. Sa vie a basculé à la mort de son mari. « Quand mon mari était vivant, on avait un petit salaire pour vivre, on vivait bien. Maintenant, c’est très difficile sans salaire fixe. Parfois, je vois mes enfants pleurer parce qu’ils ont faim. Ça me fait mal, alors moi aussi, je pleure », confie-t-elle.
« Personne n’est là pour nous aider » Le parcours de Mama Eyenga ressemble à celui de beaucoup d’autres mères à Pakadjuma, un bidonville en plein cœur de Kinshasa. « Ma voisine est commerçante. Parfois, elle me voit sans rien pour manger, elle me donne un peu de légumes et de foufou pour les enfants. Et quand je peux, je lui donne aussi des légumes, ajoute-t-elle. On s’entraide. Personne n’est là pour nous aider, nous donner 1000 francs. »
Large sourire aux lèvres, Éliane Kibubi, avocate, sillonne les allées étroites de Pakadjuma. Elle a créé sa fondation pour aider ces mères, notamment en payant les frais de scolarité de leurs enfants. « Nous sommes une ONG basée ici. Mais au-delà de ça, c’est ma maison parce que ce sont mes mamans. Ma mère m’a toujours dit que dans le couple, il y a toujours cet équilibre, cette complémentarité. Et si tu es seule pour supporter la charge du ménage, c’est encore pire et c’est difficile pour s’en sortir. On le sait que la population congolaise vit avec moins de 1 dollar, mais ici c’est moins de 0,75 dollar », précise Éliane Kibubi.
« Il y a la loi de la protection de l’enfant, il y a même le Code de la famille, qui pose des bases pour accompagner, soutenir les enfants, surtout ces femmes veuves, indique l’avocate. Mais force est de constater que dans la pratique, ces choses-là ne sont pas respectées. Vous verrez même que cette femme qui est restée veuve, elle est même répudiée dans la famille de son mari. Pire encore, on lui a même ravi les biens de son mari, alors que les lois sont là. » 36 % de femmes élèvent seules leurs enfants Assise à même le sol, Cécile Ekila fait sa lessive dans une eau boueuse. Les traits tirés, elle explique être venue à Pakadjuma après avoir divorcé il y a six ans.
« Le regard des autres, vraiment, ça me fait mal, très mal. Ils se disent : “regarde comment elle vit avec ses enfants, comment elle les élève”. Je fais ce que je peux. Je fais tout pour que mes enfants grandissent bien et qu’un jour, ils puissent avoir les moyens de quitter cet endroit », témoigne-t-elle. Selon les autorités congolaises, près de 36 % des femmes élèvent seules des enfants. Le système de pension alimentaire n’existe pas dans le pays. Pour Desiré Iseloko, le directeur de l’Office national des familles, il y a urgence à voter des lois.
« Les institutions de la République, elles sont là. L’Assemblée nationale pouvait voter une loi pour dire que lorsqu’il y a un divorce, l’homme doit jouer son rôle, même si les enfants restent avec leur maman. C’est un défi à relever. Moi, je renvoie la balle à l’Assemblée nationale », lance-t-il. Une politique nationale des familles est en cours de réflexion, mais aucune proposition de loi n’a encore été faite.
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