Élections à Taïwan : 2000 fonctionnaires mobilisés contre l’ingérence chinoise

Élections à Taïwan : 2000 fonctionnaires mobilisés contre l’ingérence chinoise

Taïwan

L’ingérence chinoise dans la campagne présidentielle de Taïwan est si inquiétante que les 2000 employés du bureau d’enquête du ministère de la Justice de Taïwan ont été réaffectés à ce dossier pour le dernier mois de la campagne électorale. Les méthodes utilisées pour manipuler l’issue du scrutin sont multiples, mais la désinformation demeure au cœur des tentatives chinoises. De nombreux Taïwanais se mobilisent d’ailleurs pour limiter les conséquences.

Il est facilement reconnaissable à ses petites lunettes et ses cheveux en bataille : Puma Shen est de toutes les tribunes. Il participe à des conférences et à des sessions de formation sur la désinformation pratiquement chaque semaine. Il se consacre à cette cause depuis cinq ans. Puma Shen a d’ailleurs fondé la Kuma Academy il y a cinq ans et il dirige Doublethink Lab dans le but de sensibiliser et de former les Taïwanais à lutter contre la désinformation provenant de Chine.

Dans les ateliers qu’il dirige, il enseigne comment reconnaître la désinformation en ligne. C’est vraiment ma vie. Mon objectif est vraiment d’arrêter cette désinformation, car je sais que le but ultime de la Chine est d’envahir Taïwan. Samedi dernier, des dizaines de jeunes participaient à des ateliers de toutes sortes, notamment sur la désinformation, dans le cadre du Hackathon de g0v tenu à l’institution Academia sinica. Ouvrir en mode plein écran Une image prise en avril 2023 lors d’un cours de défense civile proposé par la Kuma Academy montre le logo de l’organisation.

La portion sur la désinformation était organisée par un autre groupe citoyen, CoFacts. Les cours de ce genre sur la désinformation se multiplient à Taïwan. Nous voulons faire que la société civile puisse se responsabiliser , affirme Billion Lee, la co-fondatrice de CoFacts. Ça signifie que nous voulons que tout le monde puisse devenir un vérificateur des faits. Tous doivent avoir une pensée critique et connaître de vraies manières de vérifier les faits.

Attaques par millions Avant la campagne, Taïwan était victime de six millions d’attaques informatiques et de désinformation chaque jour. Ce chiffre a explosé en période électorale. Entre janvier et septembre, Google a retiré près de 60 000 faux canaux d’information provenant de Chine. Les fausses nouvelles relayées à grande échelle sur les réseaux sociaux, surtout sur TikTok grâce à son algorithme contrôlé par la Chine, sont plus difficiles à encadrer, ce qui inquiète Puma Shen.

Pour bousiller le résultat des élections locales à Taïwan, explique-t-il, il suffit de manipuler entre 3000 et 5000 voix par circonscription. Ce n’est donc pas si difficile pour la Chine. Ouvrir en mode plein écran Puma Shen est fondateur de la Kuma Academy.

Méfiance à l’égard des médias Selon le Taïwan FactCheck Center, ceux qui répandent la désinformation profitent de la méfiance des Taïwanais à l’égard des médias. Ils cherchent à suggérer que des facteurs politiques interfèrent avec l’environnement médiatique et dissimulent la vérité, par exemple la tenue de manifestations ou le mécontentement de la population à l’égard du gouvernement.

La désinformation qui porte atteinte à la crédibilité des médias taïwanais n’est pas nouvelle ni unique à Taïwan. Au cours des dernières années, des articles de désinformation prétendant révéler la vérité que les médias ne vous disent pas sont apparus sur les plateformes de médias sociaux fréquentées par les Taïwanais.

Le reportage de notre correspondant en Asie, Philippe Leblanc Et il n’y a pas que la désinformation. Pékin emploie un vaste arsenal pour tenter de manipuler le résultat des élections. Les manœuvres militaires quotidiennes dans le détroit de Taïwan se poursuivent et des ballons chinois survolent Taïwan chaque jour depuis un mois. Et Pékin exerce aussi des pressions économiques.

Des leaders religieux ayant des liens avec la Chine sont même soupçonnés d’influencer leurs fidèles. Des élus taïwanais se sont fait offrir des voyages toutes dépenses payées en Chine par le parti communiste chinois, ce qui a soulevé tout un tollé à Taïwan. La Chine emploie aussi de nouvelles méthodes dont nous ne pouvons pas encore parler publiquement , affirme Liu Wen-Ping, expert du Bureau d’enquête du ministère taïwanais de la Justice. Ouvrir en mode plein écran Un navire de patrouille navigue dans le détroit séparant Pékin de Taipei.

Pour le dernier mois de la campagne électorale, les 2000 employés du bureau d’enquête ont été affectés à une seule tâche : documenter et surveiller les tentatives d’ingérence chinoise. Ils produiront un rapport que le gouvernement rendra public après le scrutin. Du point de vue de la sécurité nationale, nous fournissons des avertissements détaillés sur les pressions exercées par la Chine ou Pékin , poursuit Liu Wen-Ping. Il y a un dicton chinois : “estimez généreusement l’ennemi”.

Nous devons continuellement comprendre toute conspiration ou activité dans lesquelles Pékin pourrait s’engager contre Taïwan et faire connaître ces activités afin d’éduquer le peuple taïwanais. Cela leur donne la capacité de résister. Pékin accuse les États-Unis et le Parti souverainiste à Taïwan Pour sa part, le ministère chinois de la Défense affirme que les États-Unis font de la désinformation à Taïwan.

Il accuse également le Parti progressiste démocrate au pouvoir, le parti souverainiste, de monter l’affaire en épingle. Ils exagèrent les risques d’ingérence, affirmait le 28 décembre un porte-parole du ministère. Ils souhaitent la confrontation et veulent manipuler l’élection. En plus de ses activités de formation et d’éducation, Puma Shen mène dorénavant son combat contre l’ingérence et une possible invasion chinoise dans l’arène politique.

Il est pratiquement assuré de faire son entrée à l’Assemblée législative sous les couleurs du Parti progressiste démocrate. Il compte présenter un projet de loi dès l’an prochain afin de limiter l’ingérence de Pékin. Nous avons besoin d’une loi sur les services numériques qui inciterait les plateformes de médias sociaux à faire quelque chose pour éliminer tous ces faux comptes ou ces fausses chaînes , croit-il.

À l’instar de ce que des experts recommandent à Ottawa de faire, Puma Shen voudrait également créer un registre des agents étrangers, ce que l’Australie et les États-Unis ont déjà instauré. Mais dans l’immédiat, à quelques jours du scrutin présidentiel et législatif de Taïwan, un vote déterminant pour la géopolitique mondiale, les appels à la vigilance se multiplient et la guerre contre la désinformation s’intensifie.

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Noé Juwe Ishaka ; Ph.D Candidate ; Adler University, Chicago Campus, IL

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