Aux pieds de ce mastodonte flottant de 199 mètres, les pirogues de pêcheurs paraissent aussi minuscules que des fourmis. Et sa sirène qui retentit pour prévenir sa sortie du port réussit même à fendre le vacarme de la mégapole nigériane de 20 millions d’habitants, où il a fait escale.
Pour cette manoeuvre difficile, c’est le « pacha », le capitaine de vaisseau Olivier Roussille, qui prend les commandes, jumelles en main et assisté par une quinzaine de matelots et officiers réunis sur la passerelle.
« Avec des courants forts et un tas de pirogues autour, c’est compliqué de bouger cet engin de 23.000 tonnes », souffle à l’AFP l’un des officiers.
Parti de Toulon (sud de la France) en août, le porte-hélicoptères Mistral, deuxième plus grand navire de guerre français après le porte-avions Charles de Gaulle, est en mission de quatre mois dans le golfe de Guinée, le long des côtes ouest-africaines.
Le navire opère dans le cadre de la mission Corymbe, qui contribue à la sécurisation maritime du golfe, en assurant la présence permanente d’un bâtiment de la marine française depuis 1990 sur cette route parmi les plus dangereuses du monde. Et où la France dispose de forts intérêts économiques, notamment liés à l’exploitation pétrolière.
« Nous travaillons aux côtés des marines des pays du golfe de Guinée (…) pour lutter contre la piraterie, les trafics illicites, dont le narcotrafic, mais aussi contre la pêche illégale, qui sont de vrais fléaux », explique le capitaine de vaisseau Olivier Roussille.
Surveillance en mer, partages d’informations, opérations en haute-mer, et exercices avec les marines des pays riverains du golfe, du Sénégal à l’Angola, sont le quotidien des centaines de militaires (de la marine, des armées de terre et de l’air) embarqués sur ce porte-hélicoptères.
A Lagos, où deux journalistes de l’AFP ont embarqué début octobre durant 24 heures, deux exercices ont été menés avec la marine nigériane: l’un consistait à contrôler un navire suspect où de l’essence illicite et de la cocaïne étaient transportés, l’autre simulait une opération militaire de libération d’otages enlevés en mer par des pirates puis ramenés sur la terre ferme.
Tensions avec le Niger
La particularité du Mistral, un bâtiment militaire dit « amphibie », est de pouvoir mener en cas de crise des opérations de projection de forces sur terre ou dans les airs, comme des hélicoptères de combat, des drones, des véhicules, du matériel ou des troupes.
Alors sa présence dans le golfe de Guinée, en septembre en particulier, au moment où les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest menaçaient le Niger d’une intervention militaire après le coup d’Etat fin juillet par des militaires à Niamey, a largement fait parler.
En particulier parce que la France soutenait ces pays de la Cedeao. Et s’était montrée intransigeante avec les militaires à Niamey, provoquant une crise diplomatique entre les nouveaux dirigeants et l’ancienne puissance coloniale, qui avait fait du Niger un pays pivot dans sa lutte contre le jihadisme au Sahel, après avoir été poussée hors du Mali et du Burkina Faso.
Le 10 septembre, le régime militaire à Niamey accusait ainsi la France de « déployer ses forces » dans plusieurs pays africains en vue d’une future « agression », citant notamment un navire militaire français qui avait accosté trois jours plus tôt à Cotonou, « avec à son bord, du personnel et des moyens militaires », ce que Paris avait immédiatement démenti.
Si le Mistral a bien accosté à Cotonou début septembre, c’était toujours dans le cadre de l’opération de sécurisation maritime Corymbe et d’une conférence organisée avec les autorités béninoises, affirme à l’AFP le capitaine de vaisseau.
« Cette escale était planifiée de longue date, depuis au moins un an », bien avant le coup d’Etat au Niger, dit-il.
Désengagement des troupes
« Il y a eu pas mal de bruit sur notre présence (…) mais nous n’étions là que dans le cadre de cette opération » et « aucun matériel, ni aucun personnel n’a été débarqué lors de cette escale », assure-t-il.
Et quant à la possibilité pour le Mistral de participer au désengagement des forces françaises chassées par Niamey ?
« Au même titre que tous les grands bâtiments amphibies nous pouvons être amenés à être employés » pour une opération de ce genre, dit le capitaine Olivier Roussille.
Car l’armée française doit relever un défi considérable d’ici la fin de l’année: évacuer du Niger ses matériels en majeure partie par voie terrestre vers le Tchad, puis au Cameroun, jusqu’au port de Douala, avant leur rapatriement en France par voie maritime.
Le Mistral, qui dispose de hangars pouvant accueillir jusqu’à 60 véhicules blindés (ou 13 chars), 16 hélicoptères ainsi qu’une capacité de transport de troupes de 400 à 900 soldats, et déjà dans la zone, « peut faire partie des options », selon Olivier Roussille.
« Maintenant ce n’est pas prévu« , assure-t-il. « Nous n’avons pas été alertés jusqu’ici pour participer à cette opération, et nous poursuivons notre mission ».
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