Le procès en appel s’est terminé par les plaidoiries de la défense ce jeudi 28 mars. Après avoir adressé leurs condoléances aux familles des victimes, les avocats de la Yemenia Airways ont rappelé que les expertises judiciaires avaient conclu à l’absence de défaillances techniques de l’appareil et ont affirmé que les pilotes étaient bien formés.
Au cours de l’enquête, l’exploitation des boîtes noires a cependant révélé des erreurs de pilotage. Pour la défense, l’aéroport de Moroni et l’Asecna, l’agence en charge de la sécurité aérienne aux Comores, ont une part de responsabilité dans le drame.
« La compagnie ne doit pas devenir un coupable expiatoire », a-t-elle plaidé. Selon les avocats de la Yemenia Airways, la catastrophe fait suite à une accumulation de difficultés exceptionnelles pendant le vol, qui ne relèvent pas de la responsabilité de la compagnie. Ils ont donc demandé la relaxe.
« Nous avons maintenu que l’accusation repose sur des présomptions, des hypothèses, que rien n’est démontré factuellement, explique Maître Grégory Laville de la Plaigne, l’un des avocats de la défense. Les vraies causes de l’accident n’ont pas été investiguées, alors que c’était clair depuis le début : il s’agit d’un enchaînement de facteurs extérieurs multiples qui ont conduit ces pilotes à commettre des erreurs, quand bien même ils étaient extrêmement bien formés ».
La question des indemnisations pour les familles des victimes À l’inverse, les avocats généraux ont pointé les « multiples carences » de la Yemenia dans la formation de ses pilotes et l’entretien de ses avions, et n’ont vu aucune circonstance atténuante dont pourrait bénéficier la compagnie. Dans leur réquisitoire, ils ont aussi soutenu une demande des parties civiles en considérant que les victimes de nationalité étrangère, comoriennes pour la plupart, pouvaient être prises en compte par la justice française.
Ce qui pourrait ouvrir la voie à des indemnisations pour leurs familles, en cas de jugement favorable de la Cour d’appel. Ce soutien est une première victoire pour les avocats des parties civiles, comme Maître Ahmed Bahassani : « Humainement, il serait difficile de dire à une maman qui a deux enfants, un de nationalité française et un autre de nationalité comorienne, que celui qui est français aura justice et l’autre sera mis de côté. »
Le procès a replongé les familles de victimes dans l’horreur de la catastrophe, observe-t-il aussi. « Cela ne fait qu’augmenter la douleur des familles qui ont du mal à faire le deuil de cette histoire. On n’a même pas compris pourquoi la Yemenia a interjeté appel. Franchement, au vu des débats et des éléments du dossier, sa culpabilité est établie puisqu’on a vu les manquements énormes sur la formation des pilotes. »
Bahia Bakari, survivante de l’accident, quittant la salle d’audience pour une pause au palais de justice de Paris, le 9 mai 2022, lors de l’audience d’ouverture dans l’affaire de l’accident de 2009 d’un vol de Yemenia Airways qui a tué les 152 de ses compagnons passagers et membres d’équipage. AFP – THOMAS SAMSON Bahia Bakari, la seule survivante du crash, aujourd’hui âgée de 27 ans, était présente lors de ce procès en appel.
« Je suis soulagée que ça soit terminé et j’espère que c’est la dernière procédure qu’on aura à vivre, pour pouvoir tourner la page, a-t-elle réagi à la fin du dernier jour d’audience, 15 ans après les faits. J’ai été présente pour moi, parce que j’ai vécu cet accident, mais aussi pour les familles de victimes, pour leur apporter un minimum de soutien ».
De nombreux Comoriens et Français d’origine comorienne avaient embarqué dans ce vol au départ de Marseille ou Paris le 29 juin 2009. Après une escale à Sanaa au Yémen, ils devaient se rendre dans l’archipel à l’occasion de la période des « grands mariages » qui réunissent des villages entiers.
« C’est un drame qui est entré dans l’histoire des Comores, c’est un tournant dans la vie des Comoriens, que ce soit aux Comores ou dans la diaspora », insiste Ibrahim Mogni, secrétaire général de l’association des familles de victimes de la Yemenia Airways, également présent au procès. Au vu de l’extrême complexité du dossier, la Cour d’appel se laisse plusieurs mois pour délibérer. Son verdict est attendu en septembre.
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