Côte d’Ivoire : Femua, vers l’infini et au-delà

Côte d’Ivoire : Femua, vers l’infini et au-delà

Après deux années de silence radio pour cause de pandémie mondiale, le Femua de retour nous menait il y a peu vers le sud de la Douce Abidjan, qui vibrait comme une fourmilière en ce mois de mai, entre l’effervescence de la Cop15 et les premières notes émanant dudit Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo. Soucieux d’obtenir quelque vitrine européenne et fier de montrer aux yeux extérieurs tout le travail accompli ici, le ministère de la Culture ivoirien et les organisateurs de l’événement nous invitaient sur place à l’occasion d’une 14e édition des plus attendues.

D’ordinaire organisé en avril, le festival a été décalé de quelques semaines cette année en raison du calendrier du Ramadan. Il fait chaud, l’air est humide, et quelques heures à peine après avoir atterri sur le sol africain, nous découvrons déjà les senteurs, le bruit, les embouteillages, les rues animées de Marcory et le site de l’INJS, Institut National de la Jeunesse et des Sports, quartier général du FEMUA situé à quelques encablures du cœur d’Anoumabo.

« On peut naître à Anoumabo et finir sur le toit du monde »

C’est ici qu’en 2009, A’Salfo, Goudé, Tino et Manadja ouvraient la première école Magic System. Depuis, le plus célèbre des quatuors ivoiriens en a inauguré huit autres, et les premières pierres des trois prochaines ont été posées cette année. Le Femua a permis cela. Mécanique de mieux en mieux rôdée, le Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo est devenu au fil des années vecteur de changement dans toute la région et outil de prédilection de Salif Traoré alias A’Salfo, grand artificier.

Douze mois par an, il cherche, prospecte, rencontre, négocie et conclut des accords avec différents partenaires ivoiriens, français et internationaux, grandissant tant et plus jusqu’à faire du Femua l’un des plus importants rassemblements musicaux d’Afrique de l’Ouest. Un festival accueillant gratuitement plus de 50 000 spectateurs quotidiens au pied de ses deux scènes – une curiosité vue à travers le prisme occidental – et un modèle économique situé à des années lumières des machines de guerres festivalières faiseuses d’euros comme en compte par centaines le Vieux Continent.

Une belle fête populaire où l’on danse et rit jusqu’au petit matin, mais aussi le théâtre de biens des espoirs pour des centaines de jeunes, venus ici pour participer aux débats, ateliers, rencontres et conférences du Carrefour’Jeunesse, important volet socio-économique du Femua. Rassemblés en ce cru 2022 autour d’un thème aussi crucial qu’évident : « L’entreprenariat et l’employabilité des jeunes ».

« Les pieds dans la tradition, la tête dans la modernité »

Parlons musique. Car si l’on œuvre au Femua à construire un meilleur avenir pour chacun, l’heure est néanmoins à la fête pour le public ivoirien, et la moindre note sortie d’un soundsystem provoque ici des déhanchés en série. Babi danse comme elle respire. Et le line-up déroulé cet été à Anoumabo n’allait pas contrarier le coupé-décalé ni les pas chassés.

Une douzaine de noms sont à l’affiche de ce cru 2022 et forme un line-up aux mensurations de plus en plus vertigineuses au fil des années. Avec un défi pour les programmateurs désormais et pour les futures éditions du Femua : celui de conjuguer présent et futur, de célébrer la tradition musicale tout en gardant le regard pointé vers l’avenir d’une scène afro devenue nouvelle pop mondiale. Relevé cette année à voir cohabiter sur la même scène le zouglou épicé des enfants du pays Yodé&Siro et l’afropop bling bling de la superstar tanzanienne Diamond Platinumz.

D’autres artistes étaient présents cette année pour défendre les couleurs de la Côte d’Ivoire. Les incontournables Magic System bien sûr, mais aussi le prêcheur Nestor David, dame Rocky Gold, le très populaire Debordo Leekunfa et surtout Suspect95, génial leader de la nouvelle scène rap nationale. L’extravagante Coco Argentée représentait quant à elle le Cameroun, Youssoupha la France, Shan’L le Gabon et Iba One le Mali, sans oublier le talentueux Inoss B, à la tête de l’équipée congolaise conviée en Abidjan pour l’occasion. Au même titre que Viva la Musica, orchestre de feu-Papa Wemba, décédé sur la scène du Femua en 2016.

Chaque année désormais un pays est en effet mis à l’honneur au Femua, et sa musique, son histoire, sa culture (et mêmes ses entreprises) célébrés tout au long du festival. La RDC cette année. Un pavillon dédié, des designers, des couturiers, une soirée de gala, partout de la rumba, des musiciens, des mannequins, des sapeurs, des danseuses… pour une délégation d’une soixantaine de membres au total. L’occasion de méditer cette phrase toute congolaise entendue au détour d’un spectacle à l’Institut français : « Quand tu es bien habillé, tu as de meilleures chances d’entrer au paradis ».

Rideau à San Pedro

Avant de quitter la Côte d’Ivoire et ce 14e Femua, nous avions un ultime rendez-vous du côté de San Pedro, à 300 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, où une poignée d’artistes présents à Anoumabo avaient fait le voyage pour offrir un concert de clôture devant quelques milliers de spectateurs extatiques. Une ville balnéaire, chef-lieu du District du bas-Sassandra, 2e pôle économique ivoirien grâce à son port et l’un des plus grands exportateurs de cacao dans le monde… C’est également le centre névralgique de l’activité bancaire ivoirienne.

Un décor contrasté, entre grands hôtels, plages de cartes postales et extrême pauvreté d’une partie des populations autochtones.  C’est pour cette raison-là également que le Femua s’invitait ici. Profiter de l’engouement et de l’essor que provoque l’événement pour réveiller toute une vie économique locale et créer des opportunités. Encore et toujours. Avant de décliner, demain, le festival à l’ensemble du continent africain.

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