La soif de ressources de l’Occident a exacerbé une crise humanitaire massive. Il est temps de faire pression sur le Rwanda pour qu’il se retire de cette guerre.
(Source : The Guardian, 29 janvier 2025)
Une crise humanitaire sans précédent en RDC : l’ombre du Rwanda et l’inaction de l’Occident
Les rues de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) sont jonchées de cadavres, tandis que des centaines de milliers de civils fuient les combats. Les hôpitaux, déjà débordés, siphonnent le carburant des ambulances pour maintenir en fonctionnement des respirateurs qui sauvent des vies.
La crise humanitaire en RDC a atteint un nouveau seuil critique avec l’offensive du groupe rebelle du M23, qui a récemment pris le contrôle de Goma, une ville stratégique à l’est du pays.
Depuis le début de l’année, plus de 400 000 personnes ont été déplacées, tandis que les violences sexuelles, les exécutions sommaires d’enfants et les massacres se multiplient.
Le soutien tacite du Rwanda : un pillage déguisé
Derrière l’avancée éclair du M23 se cache une évidence que le président rwandais Paul Kagame tente de minimiser : Kigali apporte un soutien militaire direct aux rebelles. Officiellement, M. Kagame justifie cette implication en affirmant protéger les Tutsis congolais contre des groupes armés issus des milices hutu génocidaires de 1994.
Or, selon de nombreux analystes, cette justification masque une réalité bien plus cynique : l’objectif réel du Rwanda est d’étendre son contrôle sur les territoires riches en ressources minières. Cette stratégie rappelle étrangement celle employée par la Russie en Ukraine en 2014, lorsque Moscou avait justifié l’annexion de la Crimée par la protection des russophones.
Mercredi dernier, des troupes rwandaises ont été aperçues en route vers Bukavu, une autre ville clé de l’Est congolais, aux côtés des combattants du M23. Cette manœuvre militaire laisse présager une nouvelle escalade du conflit. Pendant ce temps, Paul Kagame, au pouvoir depuis 2000 et réélu en 2024 avec plus de 99 % des voix, continue d’être perçu par l’Occident comme un acteur incontournable pour la stabilité de la région.
Les contradictions de l’Occident face à Kigali
Malgré le caractère autoritaire du régime rwandais et ses multiples violations des droits de l’homme, les grandes puissances continuent de traiter Kagame comme un partenaire stratégique. En échange d’aides économiques et militaires, il a su se rendre indispensable à l’Occident : d’une part, en envoyant ses troupes combattre les djihadistes au Mozambique, riche en gaz, et d’autre part, en acceptant d’accueillir des demandeurs d’asile refoulés par l’Europe.
Mais cette relation a un coût. L’Union européenne a signé en 2024 un accord stratégique avec Kigali pour l’exploitation de minerais essentiels aux technologies modernes, notamment pour les smartphones, les véhicules électriques et les infrastructures énergétiques renouvelables.
Pourtant, une grande partie de ces minerais ne provient pas du Rwanda, mais bien de la RDC, où l’extraction finance l’achat d’armes et l’intensification du conflit.
Un risque de déstabilisation régionale
Au-delà de l’est congolais, cette guerre pourrait embraser toute la région des Grands Lacs. Certains diplomates redoutent que le Rwanda ne cherche à renverser le gouvernement burundais, tandis que d’autres évoquent une possible alliance entre la RDC et des puissances comme la Russie ou les Émirats arabes unis pour contrer l’expansionnisme rwandais.
L’histoire rappelle que les conflits ayant secoué la région à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ont entraîné la mort de plusieurs millions de personnes.
Les tensions internationales autour de la RDC se manifestent aussi à Kinshasa. Cette semaine, des attaques ont visé plusieurs ambassades, révélant une colère grandissante contre le rôle des puissances étrangères dans la crise. Pendant ce temps, des initiatives diplomatiques ont été lancées par le Kenya et l’Angola, mais sans réel impact.
Félix Tshisekedi, président congolais, entretient des relations difficiles avec ses voisins, qui sont soupçonnés de favoriser Paul Kagame. Ce dernier, longtemps réticent à toute médiation africaine, semble désormais plus disposé à négocier, voyant les rapports de force évoluer en sa faveur.
Cependant, la position de Tshisekedi sur la scène internationale est affaiblie par sa popularité déclinante et les soupçons sur sa volonté de modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat actuel.
L’Occident doit agir au-delà des condamnations
Le mythe d’un Rwanda garant de la stabilité régionale s’effondre face à l’évidence de son implication dans le conflit congolais. L’Allemagne a récemment envoyé un signal fort en suspendant ses discussions d’aide avec Kigali.
D’autres nations européennes et les États-Unis devraient suivre cette voie, en mettant en place des sanctions ciblées et des interdictions de voyage à l’encontre des responsables rwandais impliqués dans le soutien au M23.
Les appels à un cessez-le-feu et à la mise en place de corridors humanitaires ne suffisent plus. L’heure est venue d’exiger des actions concrètes : la fin du soutien rwandais aux rebelles, des sanctions économiques sur les circuits d’exploitation minière illicites, et une pression diplomatique accrue sur Paul Kagame.
Tant que des mesures fermes ne seront pas prises, les vies de millions de Congolais resteront en péril, sacrifiées sur l’autel des intérêts économiques et stratégiques des puissances mondiales.
(Source : The Guardian, 29 janvier 2025).
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