Sa descente aux enfers a commencé le 7 septembre dernier. Ce jour-là, après des mois de tension exacerbée, le président du Burundi, le général Évariste Ndayishimiye, alias Neva, annonçait un changement à la tête de l’exécutif. Un jeu de chaise musical qui voyait le lieutenant-général de police Gervais Ndirakobuca, alias Ndakugarika, qui occupait jusque-là le poste de ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, après avoir été chef de cabinet du Service national de renseignements (SNR), prendre la tête du gouvernement en lieu et place d’Alain-Guillaume Bunyoni.
Il faut dire que la cohabitation entre Neva et son Premier ministre était devenue explosive. De Bujumbura, la capitale économique, à Gitega, la nouvelle capitale politique, selon le bon vouloir de l’ancien président Pierre Nkurunziza, tous les voyants étaient passés au rouge entre les deux hommes et les bruits d’un coup d’État en préparation se répandaient comme une traînée de poudre. Danger réel pour le chef de l’État ? Mise en scène de ce dernier pour se débarrasser d’un Premier ministre trop encombrant ? La question n’a jamais été tranchée.
À la veille de l’annonce de ce changement, le président Ndayishimiye avait prononcé un discours devant les magistrats du pays dans lequel il s’en était pris sans citer le moindre nom “à ceux qui se croient tout-puissants”, alors qu’ils doivent tout à l’État. Tous les observateurs avaient compris que la cible était Alain-Guillaume Bunyoni et qu’après une telle sortie la cohabitation devait rapidement toucher à sa fin. Quatre jours plus tard, le couperet tombait.
Communication lacunaire
Sept mois plus tard, nouvel épisode dans cette guerre à distance entre les deux généraux qui se connaissent par cœur pour avoir été “compagnon de lutte” pendant les années de guerre civile au Burundi. “Ce sont deux généraux mais l’un vient de l’armée et l’autre de la gendarmerie”, expliquait, alors un des observateurs contactés par La Libre qui poursuivait en affirmant que le président de la République avait de ce fait toujours nourri “un manque total de confiance dans la gendarmerie”. Désormais, avec ce nouvel acte, Alain-Gullaume Bunyoni poursuit sa chute en se retrouvant derrière les barreaux.
Le motif de cette arrestation n’a pas été officiellement annoncé par les autorités judiciaires. Le procureur général de la République se contentant, ce dimanche, après plusieurs jours d’interrogation sur le sort de l’ancien Premier ministre, de publier un communiqué qui confirmait son arrestation le 21 avril dans la commune de Kabezi, dans la province de Bujumbura, “où il se cachait”, tout en confirmant que des perquisitions vaines avaient été menées dans les propriétés d’Alain-Guillaume Bunyoni le 17 avril.
Suite du règlement de compte
Pour plusieurs observateurs, il ne fait aucun doute que le train de vie peu discret de l’ancien Premier ministre a provoqué la colère et la jalousie du premier cercle du pouvoir autour du couple Ndayishimiye.
Ancien Premier ministre, ancien directeur de cabinet sous Pierre Nkurunziza pendant plus de quatre ans, Bunyoni est considéré comme l’ancien maquisard le plus riche du pays et l’homme aime afficher cette réussite avec ses grosses villas, ses voitures de luxe et jusqu’à ses chaussures cousues d’or.
“Mais l’homme est malin, rien n’est à son nom”, explique un connaisseur de la vie burundaise qui poursuit en expliquant qu’à ce niveau de pouvoir et avec ses moyens, “il n’était pas possible de mener ces perquisitions sans qu’il n’en soit prévenu et ait le temps de s’organiser, ce qui expliquerait que les agents chargés de mener celles-ci n’ont rien trouvé”. Que va devenir l’ancien Premier ministre ? “Il ne sortira pas de sitôt de prison”, prévient une de nos sources. “Un Procès devrait avoir lieu et sans élément matériel à charge, Bunyoni sera accusé de haute trahison ou quelque chose du genre”.
“Le président Ndayishimiye envoie par la même occasion un message aux autres généraux qui pourraient être tentés de taper dans la caisse sans partager. La peur est perceptible. Neva assoit son autorité et confisque encore un peu plus les rênes des pouvoirs politiques et économiques”.
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