“Je réaffirme qu’il est légitime de tuer quiconque s’aligne avec ceux qui perturbent la sécurité.” Les propos de Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), lancés mardi 2 août à l’occasion des cérémonies de commémoration du 7e anniversaire de l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana, membre fondateur du mouvement hutu FDD, accusé de nombreuses exactions contre des civils et des opposants par les organisations de défense des droits de l’homme, démontrent que l’aile dure du parti n’entend pas baisser la garde, bien au contraire.
Burundi : La pénurie de carburant fait monter la colère et menace le pouvoir
Le général Nshimirimana fut notamment accusé d’être responsable de l’assassinat de trois religieuses italiennes dans le couvent de Kamenge (nord de Bujumbura) en octobre 2014.
Selon plusieurs témoignages recueillis par La Libre et selon le rapport de l’ONG Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB), qui s’est notamment intéressée aux interventions de l’armée burundaise et de ses supplétifs dans le Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, les faucons du parti au pouvoir au Burundi ne cachent pas leurs ambitions de conserver coûte que coûte celui-ci bien au-delà de 2025 (législatives) et 2027 (présidentielle) et s’organisent en conséquence pour faire taire toute voix qui pourrait être discordante.
Devant le Secrétaire Général du parti au pouvoir @CnddFdd, des miliciens fraîchement sélectionnés ds 4 provinces du pays procèdent à des démonstrations militaires.
Une militarisation de la vie sociale qui entretien un esprit de guerre au sein des citoyens. pic.twitter.com/iS8wF4Xux1— Bob RUGURIKA (@rugbob78) June 22, 2022
Révérien Ndikuriyo, qui a succédé à l’actuel président de la République Évariste Ndayishimiye à la tête du parti, a multiplié les meetings dans tout le pays pour marteler son message de haine.
La Belgique ciblée
Un discours qui cible l’opposition politique mais aussi l’Occident et en particulier la Belgique, présentée comme l’alliée des putschistes qui ont tenté de renverser le régime du CNDD-FDD lors d’un coup d’État manqué en 2015.
“Tous les anciens putschistes ont étudié en Belgique. […] Notre Dieu ne cessera de punir la Belgique. Louis Michel qui avait mal parlé du Burundi en 2015 est aujourd’hui handicapé (!) Il se déplace en chaise roulante (!!)”, a notamment déclaré le secrétaire général du parti au pouvoir mardi dernier avant de poursuivre avec un flot de louanges à l’égard de la Ligue des jeunes du parti, les Imbonerakure.
Ces Imbonerakure sont aujourd’hui estimés entre 15 000 et 20 000 hommes. “Révérien Ndikuriyo en voudrait au moins 25 000”, explique une de nos sources burundaises. Au début du mois de mai dernier, lors d’un de ses meetings à Nyabiraba, dans la province de Bujumbura, le secrétaire général du parti a évoqué le nombre de 24 000 Imbonerakure qui doivent “suivre des cours de perfectionnement dans les prochains mois” pour être prêts pour l’échéance électorale de 2025.
Ces troupes, composées principalement de jeunes hommes peu instruits (“essentiellement analphabètes”, “qui n’ont pratiquement jamais suivi le moindre cursus scolaire”, insistent plusieurs sources), sont de plus en plus présentes dans le pays où elles sont chargées de missions de sécurité non officielles. “Il n’est pas rare de les voir interpeller des quidams dans la rue. Ils mènent aussi des rondes de nuit dans certains quartiers. Officiellement, ils n’ont pas de statut, mais ils font régner la terreur en toute impunité”, explique un Burundais.
Plusieurs témoignages, corroborés par le rapport de IDHB, font aussi état de leur intervention au côté de l’armée burundaise dans la chasse – non officielle, elle non plus – aux rebelles du groupe RED-Tabara dans le Sud-Kivu congolais. “Le pouvoir n’a qu’une confiance restreinte dans l’armée. Les Imbonerakure sont souvent chargés de missions secondaires parce qu’ils manquent de formation. Mais ils permettent au régime de gonfler les effectifs sur le terrain et de disposer d’oreilles et d’yeux sur un front sans le moindre fondement légal”, selon un habitant de Bujumbura.
Actuellement, on estime que 5 000 de ces hommes ont reçu une instruction minimale donnée par des militaires “sûrs” pour le régime et disposent de vraies armes. “Les autres doivent se contenter d’armes blanches, voire de bâtons.”
“Cet encadrement et cette formation des Imbonerakure ont commencé il y a quatre ou cinq ans”, poursuit une de nos sources. “Pour quelques milliers de francs burundais, qu’ils ne perçoivent pas le plus souvent ; ils sont prêts à tout. Révérien Ndikuriyo et sa clique le savent et en profitent.”L’armée qui est obligée de composer avec eux les voit d’un mauvais œil et “les gradés n’hésitent pas à les utiliser comme de la chair à canon. Des dizaines d’entre eux ont été tués au Sud-Kivu”, explique une source qui confirme une fois encore le rapport de IDHB qui évoque aussi ces nombreux morts dans les rangs des Imbonerakure. Des hommes qui se font tuer sur le front parce qu’ils sont incapables de comprendre les ordres qui leur sont donnés ou parce qu’ils se voient confier des missions dangereuses. Le pouvoir n’en a cure. Il est convaincu de disposer d’un large réservoir de main-d’œuvre docile qui doit lui permettre d’instiller la peur dans la société burundaise pour conserver son pouvoir.
Soyez le premier à commenter