Les sénateurs américains menacent l’Afrique du Sud de sanctions pour son alignement sur Pékin
Un nouvel épisode de tensions diplomatiques entre les États-Unis et l’Afrique du Sud s’intensifie alors que Washington critique la décision de Pretoria d’exiger le déplacement du bureau de liaison de Taïwan vers Johannesburg. Deux sénateurs républicains, Ted Cruz et Marsha Blackburn, dénoncent une manœuvre orchestrée par Pékin, accusant Pretoria de privilégier les intérêts chinois au détriment de ses relations avec Washington et ses alliés.
Cette affaire ne se limite pas à une dispute administrative : elle reflète un basculement stratégique plus large, où l’Afrique du Sud assume un rôle diplomatique de plus en plus aligné sur la Chine, au grand dam des États-Unis.
Avec la menace de sanctions économiques, dont une possible exclusion de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), ce bras de fer pourrait redéfinir les relations entre l’Afrique du Sud et l’Occident.
Un différend diplomatique transformé en enjeu géopolitique
L’origine de la dispute remonte à la décision de l’Afrique du Sud de renforcer son adhésion au principe d’« Une seule Chine ».
- Pretoria ne reconnaît pas Taïwan comme un État souverain, mais comme une province chinoise.
- La Chine reste le plus grand partenaire commercial de l’Afrique du Sud, avec des investissements croissants dans les infrastructures et l’industrie minière.
- Le gouvernement sud-africain a demandé à Taïwan de déplacer son bureau diplomatique de Pretoria à Johannesburg, une démarche perçue comme un abaissement du statut diplomatique de Taipei.
Cette mesure a provoqué une levée de boucliers à Washington, où le soutien à Taïwan est un sujet bipartisan, en particulier face à la montée en puissance de la Chine.
« L’Afrique du Sud va trop loin pour s’aliéner les États-Unis et nos alliés », a déclaré Ted Cruz, affirmant que cette décision met en péril les relations bilatérales entre Washington et Pretoria.
Pourquoi l’Afrique du Sud défie-t-elle Washington ?
Le gouvernement sud-africain, par la voix de Chrispin Phiri, porte-parole du Département des Relations internationales, a fermement rejeté les accusations américaines, affirmant que Pretoria agit en toute indépendance.
1. Une politique étrangère historique
- L’Afrique du Sud a rompu ses relations officielles avec Taïwan en 1997, après la fin de l’apartheid, pour établir des liens diplomatiques exclusifs avec Pékin.
- Cette décision s’inscrit dans une dynamique mondiale, où la plupart des pays africains reconnaissent Pékin plutôt que Taipei.
« Ce n’est pas une pression chinoise. C’est une politique sud-africaine indépendante qui date de 1997 », insiste Phiri.
2. Un ancrage stratégique au sein des BRICS
- L’Afrique du Sud se positionne de plus en plus comme un acteur clé du bloc BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
- Pretoria veut renforcer ses relations économiques avec la Chine, qui est non seulement un partenaire commercial majeur, mais aussi un investisseur clé dans les infrastructures africaines.
3. Un rejet des diktats occidentaux
- Le gouvernement sud-africain reproche aux États-Unis d’imposer des choix de politique étrangère à ses partenaires africains.
- Washington exerce une pression croissante sur les pays du Sud global, notamment sur leurs relations avec la Chine et la Russie.
- Pour Pretoria, l’époque où les grandes puissances dictaient leur politique aux nations africaines est révolue.
« Nous ne sommes pas une colonie. Nous prenons nos propres décisions », a martelé un diplomate sud-africain sous couvert d’anonymat.
Les États-Unis ripostent : menace de sanctions économiques
Face à l’intransigeance de Pretoria, les sénateurs américains évoquent des mesures punitives.
1. L’exclusion possible de l’AGOA
Marsha Blackburn a déclaré :
« Si l’Afrique du Sud continue de travailler avec le Parti communiste chinois pour intimider Taïwan, les États-Unis doivent envisager des conséquences sérieuses, y compris l’exclusion de Pretoria du programme AGOA. »
L’AGOA (African Growth and Opportunity Act) est un accord commercial privilégié entre les États-Unis et plusieurs pays africains, qui permet un accès préférentiel au marché américain.
- L’Afrique du Sud bénéficie fortement de cet accord, notamment pour l’exportation de véhicules, de minerais et de produits agricoles vers les États-Unis.
- Une exclusion de l’AGOA représenterait un coup dur pour l’économie sud-africaine, qui fait déjà face à des difficultés.
2. Une pression accrue sur l’Afrique du Sud
- Ted Cruz, à la tête de la sous-commission du Sénat sur l’Afrique, a promis une enquête approfondie sur les choix diplomatiques de Pretoria.
- D’autres élus américains pourraient appeler à réduire la coopération militaire et sécuritaire avec l’Afrique du Sud, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité.
Quelles conséquences pour l’Afrique du Sud et les relations sino-africaines ?
Si Washington applique ces sanctions, l’Afrique du Sud pourrait être contrainte de revoir son alignement stratégique.
1. Un renforcement du pivot africain vers la Chine
- Si les États-Unis ferment certaines portes économiques, la Chine pourrait renforcer son rôle en Afrique du Sud en augmentant ses investissements.
- Pékin pourrait faciliter des prêts et des aides économiques pour compenser d’éventuelles pertes sud-africaines sur le marché américain.
2. Un test pour l’unité des BRICS
- L’Afrique du Sud a récemment accueilli le sommet des BRICS, où la question de l’indépendance du bloc face aux pressions occidentales a été centrale.
- Ce dossier pourrait devenir un catalyseur pour une position commune des BRICS contre les sanctions occidentales.
3. Une détérioration des relations avec Washington
- Si les États-Unis prennent des mesures punitives, l’Afrique du Sud pourrait réduire sa coopération diplomatique avec Washington.
- Cette tension s’ajouterait aux désaccords récents sur la guerre en Ukraine, où Pretoria a refusé de condamner ouvertement Moscou.
Un tournant dans les relations américano-africaines ?
Le différend entre les États-Unis et l’Afrique du Sud sur Taïwan dépasse largement une simple question diplomatique. Il reflète une transformation plus profonde des alliances géopolitiques :
- Washington veut contenir l’influence chinoise, y compris en Afrique.
- Pretoria affirme son indépendance, refusant de céder aux pressions occidentales.
- La Chine et les BRICS pourraient en sortir renforcés, si l’Afrique du Sud se rapproche encore plus de Pékin.
L’avenir des relations américano-africaines pourrait se jouer sur cette confrontation, alors que le continent devient un terrain clé de la rivalité entre les grandes puissances mondiales.
💬 Les États-Unis ont-ils raison de menacer l’Afrique du Sud de sanctions, ou est-ce une ingérence dans la politique africaine ? Exprimez votre opinion.
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