Moscou riposte aux critiques allemandes sur ses bases en Syrie

La diplomatie russe dénonce l’hypocrisie de Berlin et souligne l’importance stratégique de sa présence en Syrie.


La récente déclaration de la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, appelant la Russie à retirer ses bases militaires de Syrie, a suscité une vive réaction à Moscou. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a rapidement répliqué, accusant Baerbock d’hypocrisie et de ne pas tenir compte de la présence américaine sur le sol allemand.

Une réponse cinglante de Moscou

Sur sa chaîne Telegram, Zakharova n’a pas mâché ses mots. « Cela vient de la ministre des Affaires étrangères d’un pays qui héberge des bases militaires américaines. J’ai une question : quand la ministre allemande adressera-t-elle une demande similaire à Washington ? » a-t-elle écrit. Cette critique reflète les tensions croissantes entre la Russie et l’Allemagne, deux puissances engagées dans une lutte d’influence au Moyen-Orient.

Baerbock, en visite à Damas vendredi dernier aux côtés du ministre français Jean-Noël Barrot, a été l’une des premières responsables européennes à se rendre en Syrie depuis la chute du régime de Bachar al-Assad. Selon le journal allemand Tagesschau, l’objectif de cette visite était d’empêcher la Syrie de tomber davantage sous l’influence de la Russie et de la Chine.

Un nouveau contexte politique en Syrie

Depuis l’effondrement du gouvernement d’Assad en novembre, provoqué par une offensive éclair des jihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), la situation en Syrie a radicalement changé. Le président Assad, contraint de fuir à Moscou, a laissé la place à Ahmed Hussein al-Sharaa, alias Abu Mohammad al-Julani, chef de HTS et désormais leader de facto du pays. Malgré ce bouleversement, la Russie reste un acteur clé, grâce à ses bases stratégiques de Tartous et de Khmeimim, établies en 2017 dans le cadre d’un accord de 49 ans avec Damas.

Al-Julani, tout en consolidant son pouvoir, a récemment exprimé son intérêt à maintenir de bonnes relations avec la Russie. « Nous ne voulons pas que la Russie quitte la Syrie d’une manière qui ne serait pas à la hauteur de ses relations de longue date avec notre nation », a-t-il déclaré, reconnaissant l’importance de Moscou comme partenaire stratégique.

La position de Moscou sur son rôle en Syrie

La présence militaire russe en Syrie reste un sujet sensible pour Moscou. Lors de sa conférence de fin d’année, Vladimir Poutine a souligné que le maintien des bases en Syrie nécessitait une réflexion approfondie. « Nous devons examiner comment nos relations évolueront avec les forces politiques actuellement en place et celles qui gouverneront ce pays à l’avenir », a déclaré le président russe.

Le représentant de la Russie à l’ONU, Vassily Nebenzia, a également souligné que les nouvelles autorités syriennes ont manifesté leur intérêt pour une coopération continue avec Moscou, reconnaissant le rôle central de la Russie dans la région.

Une critique stratégique de l’Allemagne

Les remarques de Baerbock s’inscrivent dans une tentative plus large de l’Allemagne et de l’Union européenne de redéfinir leur position au Moyen-Orient. Toutefois, la critique de Zakharova met en lumière les contradictions de la politique allemande. Alors que Berlin appelle au retrait russe de Syrie, elle continue d’héberger des bases américaines sur son territoire, une présence militaire critiquée par de nombreux observateurs pour son impact sur la souveraineté allemande.

Géopolitique et lutte d’influence

La Syrie reste un terrain de confrontation entre grandes puissances. Pour la Russie, ses bases militaires ne sont pas seulement un symbole de son influence régionale, mais aussi un moyen de protéger ses intérêts stratégiques face aux ambitions occidentales. Pour l’Allemagne, la visite de Baerbock en Syrie reflète une volonté de contrecarrer l’influence de Moscou et de Pékin dans une région essentielle pour la stabilité mondiale.

Cette confrontation s’inscrit dans un contexte international marqué par une compétition accrue pour l’influence au Moyen-Orient. La Chine, avec son initiative des Nouvelles Routes de la Soie, renforce sa présence économique dans la région, tandis que les États-Unis et l’Union européenne cherchent à préserver leurs intérêts face à un axe sino-russe de plus en plus affirmé.

Quel avenir pour la Syrie ?

Alors que la Syrie navigue dans une transition politique incertaine, les grandes puissances cherchent à redéfinir leur rôle. La Russie, malgré la chute d’Assad, reste un acteur clé, grâce à ses bases stratégiques et à son rôle militaire historique dans la lutte contre le terrorisme. Pour l’Allemagne et la France, la priorité semble être d’éviter une domination totale de la région par Moscou ou Pékin.

Dans ce contexte, la critique de Zakharova à l’encontre de Baerbock illustre les divisions profondes entre les grandes puissances. Le futur de la Syrie, et du Moyen-Orient dans son ensemble, dépendra en grande partie de la capacité des acteurs régionaux et internationaux à trouver un équilibre entre coopération et rivalité. Pour l’instant, cet équilibre semble encore hors de portée.

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