Port Harcourt:
Moïse Gomis Le mouvement #Endbadgovernance a bien démarré ce jeudi matin. Et c’est un test grandeur nature pour les autorités nigérianes, presque quatre ans après le mouvement #EndSars qui s’était terminé avec la mort de manifestants à la suite de tirs d’hommes en uniforme sur le péage de Lekki à Lagos.
Plusieurs milliers de manifestants ont convergé dans les principales villes du Nigeria pour exiger des meilleures conditions de vie. Ces défilés et ces occupations ne sont pas confinés au sud du Nigeria. Les manifestants sont aussi actifs au nord du pays, avec par exemple des dizaines de jeunes manifestants perchés sur des panneaux publicitaires surplombant une foule de plusieurs centaines de personnes et agitant des branches d’arbres ou des pancartes en face du palais du gouverneur de l’État de Gombe.
Des scènes identiques dans les États de Kano, Borno et de Bauchi, toujours dans le nord du Nigeria. Des cortèges défilant et chantant des slogans dans l’État de Benue au Centre, dans le sud-ouest dans l’État d’Oyo, et aussi à Port Harcourt dans l’État de Rivers. Une confirmation que le mouvement #EndbadGovernance a une dimension nationale.
C’est toutefois à Lagos qu’on peut observer le cortège le plus important. Plusieurs milliers de manifestants ont convergé à Ikeja, sur la partie continentale de la capitale économique du Nigeria. À Abuja, c’est autour du stade national que les manifestants se sont d’abord rassemblés ce matin, à la suite d’une décision de justice. Mais, depuis, ils ont décidé de rejoindre Eagle Square, un lieu hautement symbolique au Nigeria : depuis le retour de la démocratie en 1999, c’est à Eagle Square que chaque président élu prête serment. Des manifestants tenant un écriteau lors d’une manifestation antigouvernementale pour protester contre la mauvaise gouvernance et les difficultés économiques à Abuja, Nigeria le 1er août 2024.
Marvellous Durowaiye Un mouvement sans leaders proclamés Pour le moment, le mouvement #Endbadgovernance n’a pas de leaders proclamés. Donc, il y a peu de coordination de cortèges et beaucoup d’improvisation encore, car la majorité des manifestants ont moins de 20 ans.
Pour beaucoup d’entre eux, ce sont d’ailleurs aujourd’hui leurs premiers pas dans une manifestation organisée. NewsletterRecevez toute l’actualité internationale directement dans votre boite mail Je m’abonne À Abuja et à Bauchi, la police a dû procéder à des tirs de gaz lacrymogènes pour canaliser des mouvements désordonnés de foule.
À Kano, les policiers ont empêché le départ d’un feu devant le palais du gouverneur. Plusieurs coalitions d’organisations de la société civile s’activent un peu partout pour aider à la structuration d’un mouvement né sur les réseaux sociaux. Parmi ces coalitions, on compte quelques figures ayant lutté pour le retour de la démocratie dans les années 1990 et aussi des militants des mouvements Occupy Nigeria de 2012.
Enfin, Peter Obi, du Parti travailliste et figure de l’opposition, demande au gouvernement d’écouter les doléances des manifestants. Dans le même temps, il souhaite que les personnes participant à ce mouvement #EndbadGovernance respectent la loi en demeurant non violentes.
Nigeria: les raisons économiques de la colère Les manifestations au Nigeria sont motivées par un grand ras-le-bol de la population, plongée dans la pire crise inflationniste depuis le milieu des années 1990. Les Nigérians mettent en cause les réformes économiques entreprises depuis un peu plus d’un an par le gouvernement de Bola Tinubu, rapporte Claire Fages.
Les manifestants ont pour slogan #Stop à la mauvaise gouvernance au Nigeria. Ils demandent que le gouvernement Tinubu renonce à la suppression des subventions sur les carburants, décidée brutalement en mai 2023, et qui a fait doubler les prix. Le mois suivant, les autorités d’Abuja laissaient flotter la monnaie nationale, le naira, qui est désormais au plus bas de son histoire par rapport au dollar. Le pouvoir d’achat des Nigérians – et plus généralement d’un pays très dépendant des importations – s’est donc effondré.
Avec cette inflation généralisée, la plus élevée depuis 28 ans, les transports sont devenus inabordables, les prix de l’alimentation ont bondi de 40%, alors que les salaires restent très bas, que le chômage est élevé, et que l’insécurité dans les régions agricoles est très forte. Trente millions de Nigérians souffrent de la faim.
Le gouvernement a bien pris des mesures d’atténuation récemment : en expédiant des camions de céréales dans les États déficitaires, en versant du cash aux plus pauvres, et en doublant le salaire minimum (à 42 dollars par mois). Un revenu que les syndicats estiment néanmoins très éloigné des besoins de la population nigériane.
RFI
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