Loin de l’effervescence du centre-ville de Paris, c’est à une vingtaine de kilomètres à l’est de la capitale française, dans un écrin de verdure sur la rivière Marne, que se déroulent les épreuves d’aviron des JO 2024. Tout comme celles en « eau vive » : le canoë et le kayak. Peu d’athlètes africains concourent dans ces disciplines, mais en kayak, on verra les couleurs des Comores, portées par Andy Barat, 26 ans.
Né à Nantes, dans l’ouest de la France, il vit un rêve en représentant avec fierté le pays de son père, la diaspora comorienne de France, et ses amis de la région nantaise qui l’ont accompagné dans sa préparation. Tombé dans le bassin d’eau vive en suivant son cousin à Clisson, en région nantaise, où il a toujours sa licence, cet ancien militaire français s’est lancé il y a deux ans le défi de reprendre la pagaie et de représenter l’archipel des Comores sur le circuit mondial de kayak.
Cela jusqu’aux Jeux olympiques. Une gageure dans ces disciplines traditionnellement réservées aux grandes nations olympiques. Autodidacte, il a appris au contact des meilleurs sur le circuit international, et s’est adjoint pour la première fois les services d’un coach, ce qui lui permet d’avoir des échanges et des analyses vidéo. Il s’aligne sur deux épreuves : en slalom, où chacun passe à tour de rôle et où ses adversaires sont le courant et le chronomètre ; en cross, où il faut aussi jouer des coudes et éviter les pagaies de ses trois adversaires.
Andy Barat ne vit pas de sa passion, n’est pas professionnel, et garde donc un objectif réaliste : passer un tour et entrer en demi-finale des deux épreuves, pour remercier famille, voisins et sponsors, de l’avoir accompagné dans son rêve. Il se voit bien partir pour quatre années de plus. Les JO terminés, il cherchera à obtenir le renouvellement de la bourse olympique obtenue par la fédération comorienne et à se projeter vers Los Angeles 2028, soit les Jeux suivants.
RFI : Andy Barat, vous vous alignez en slalom individuel et en cross. Quelles sont ces épreuves ?
Andy Barat : Le kayak, c’est un bateau en carbone et une pagaie double. En slalom, il y a des portes dans lesquelles on doit passer : des portes rouges à remonter, à l’inverse du courant, et des portes vertes à descendre dans le sens du courant. Un parcours est composé d’entre 18 et 25 portes, et il faut franchir la ligne d’arrivée le plus vite possible en évitant de prendre des pénalités. Ensuite, en kayak cross, on part à quatre sur une rampe et le but, c’est de traverser le bassin en passant vers des bouées, soit à gauche, soit à droite. Le but, c’est d’aller le plus vite possible et d’arriver le premier en bas.
Quels sont vos objectifs ?
On va dire que j’ai la tête sur les épaules, moi, je pense. J’aimerais et je vais tout faire pour prétendre aller en demi-finale. On réadaptera en fonction du parcours puisque le parcours va changer en demi-finale et en finale. Donc, on réadaptera pour prétendre aller chercher pourquoi pas une finale, et ainsi de suite. L’objectif réaliste, c’est la demi-finale, passer un tour, et le rêve, c’est d’aller en finale.
Comment avez-vous découvert ces sports en « eau vive » ?
Cela m’est venu grâce à mon cousin qui en faisait. Je me suis initié à plusieurs sports et un jour, je suis allé le voir, et j’ai mordu. Et depuis, j’adore cela. Donc, cela fait 14 ans que je fais du kayak slalom, au club de Clisson. Ensuite, je suis parti en sport-étude, j’ai fait quatre ans à l’armée, et il y a deux ans, à la fin de mon contrat, je me suis cherché un autre objectif et je me suis relancé dans le kayak à fond. Avec pour objectif de représenter ma nationalité comorienne. J’ai à cœur de montrer cette nation qui est peu connue, de la faire briller, de faire flotter le drapeau dans chaque pays où je me rends en compétition. C’est vraiment un plaisir à chaque fois. Vous êtes binational.
Quel est votre lien avec les Comores ?
Mon père est né à Anjouan [l’une des îles des Comores, NDLR] et on a encore de la famille là-bas. Mes grands-parents étaient en France, mais sont enterrés là-bas. J’ai aussi de la famille dans la diaspora en France qui me soutient beaucoup. Je reçois beaucoup de messages, d’encouragements. Ça me fait plaisir
Comment ça se passe quand on représente une « petite » nation comme les Comores, dans un sport qui reste quand même un sport de niche et qui demande des moyens ?
Alors, c’est assez compliqué. Au début, il n’y avait pas de fonds, et mon président de Fédération a réussi à m’obtenir une bourse olympique, qui m’a beaucoup aidé. Cela m’a permis de financer mes déplacements sur les manches de coupe du monde, et les championnats du monde, et jusqu’aux Jeux olympiques de Paris 2024. J’ai eu aussi l’aide d’un voisin qui est mon sponsor aussi, de mon cousin côté paternel qui est aussi un sponsor. J’ai créé une cagnotte pour des dons en ligne. C’était délicat, j’ai sollicité plein de monde, pour m’aider, puisqu’il fallait débloquer des fonds pour du matériel réglementaire olympique. J’ai réussi, donc merci à tout le monde. Mais vous devez continuer à travailler à côté…
J’ai un contrat adapté et ils m’ont encouragé à me donner à fond pour venir aux Jeux. C’est une super équipe et cela m’aide aussi. En fait, c’est une aventure collective. Je pense que les gens sont fiers de moi et ils me le font ressentir en tout cas. Donc, ça me fait plaisir et moi, personnellement, je suis fier de moi aussi. Arriver jusqu’ici en seulement un an et demi au haut niveau international. Je me retrouve à Paris 2024, c’est incroyable. Une bourse olympique dure quatre ans.
Qu’allez-vous faire après ?
La bourse dure quatre ans, elle prend fin à l’ouverture des Jeux. Maintenant, il faut relancer une demande avant janvier pour aller jusqu’à Los Angeles 2028. Je me vois bien refaire quatre ans à fond avant d’arrêter.
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