De notre envoyé spécial à Moroni, Mercredi matin, à partir de 10h locales environ (7h TU, 8h Paris), des mouvements de contestation ont été constatés dans plusieurs points de la capitale. « Il a volé le vote, c’est notre pays », crie un manifestant. « On est fatigués, c’est maintenant ou jamais », enchaîne un autre, encore plus fort.
Plusieurs bâtiments ont été incendiés, dont la maison d’un ministre. Puis des barricades de pneus et de branches érigées au milieu de la ville, la route de l’aéroport coupée, un dépôt alimentaire pillé : la tension monte subitement puis redescend dans les différents quartiers au gré des interventions des militaires, gendarmes et policiers.
Ils roulent à toute allure, usent de leur gaz lacrymogène et procèdent à de nombreuses arrestations. Des militaires essuient des jets de pierre à côté d’une maison et disent aux gens de rentrer chez eux. « La population n’est pas contente. À cause des élections, qui sont truquées, c’est une mascarade », dit un passant à proximité du marché de Volo Volo, interrompu par une voiture remplie de policiers roulant à toute allure et en klaxonnant.
Alors que les observateurs de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de l’Union africaine (UA) ont jugé le scrutin libre et transparent, l’opposition conteste les résultats et dénonce un processus électoral acquis au président sortant Azali Assoumani, qui aurait obtenu 62,97% des voix. Des incohérences dans les chiffres de la participation annoncés mardi sont venus renforcer les accusations de fraude massive de l’opposition.
Des manifestants aux côtés des barricades dans le quartier d’Hamramba, dans le sud de Moroni, le 17 janvier 2024. Situation volatile et incidents à divers points Quelques heures après le début des échauffourées, la situation reste très volatile, mais la forte tension du matin est retombée près du grand marché de Volo Volo. Des incidents sont toutefois régulièrement rapportés à divers points de la capitale – que ce soit dans le quartier de la Coulée, à la place de l’Indépendance – ou encore dans la ville d’Ikoni.
Cela avec des mouvements de protestation qui éclatent puis retombent. Les militaires, la police et la gendarmerie sont déployés en nombre et sillonnent la ville. Il a eu des tirs de gaz lacrymogènes, les manifestants ont installé des barricades avec des branches ou des pneus à divers endroits, notamment sur la route qui mène à l’aéroport. Un important dépôt de sac de riz a aussi été pillé. Des pneus sont érigés en barricade. « Il y avait des élections ici aux Comores, le président Azali Assoumani a pris les votes, et c’est pour cela qu’on descend dans la rue », explique une manifestante.
Là où la situation n’est pas aussi tendue, les rues sont quasi désertes. Dans une petite rue, un groupe d’une dizaine de personnes marchent d’un pas rapide, l’air inquiet : ils ont littéralement traversé la ville. « On ne se connaît même pas, on s’accompagne en colonnes. On regagne chez nous, puisque c’est barricadé et tout est barré, les piétons passent difficilement aussi, dit un habitant, qui enchaîne sur le vote.
Même un enfant de 10 ans peut constater tout ce qui s’est passé, entre bourrages [d’urnes], de saccages, de triches. Personne ne peut dire que le vote s’est bien passé. Je ne manifeste pas, mais je comprends la situation qui est vraiment délicate. » Des habitants et des opposants ont érigé des barricades dans certaines rues de Moroni, le 17 janvier 2023.
L’Hôpital national central cherche à se « sécuriser » pour recevoir d’éventuels blessés Un employé de l’Hôpital national principal, à côté du marché, explique que « dans la capitale, il y a un regroupement. Donc au niveau de l’hôpital, notre travail est de sécuriser ce qu’il y a en face, on est apolitique, mais c’est surtout de sécuriser, au cas où il y ait des blessés et pour les malades qui sont là. »
Les actions semblent pour l’instant s’agir de mouvements spontanés d’habitants en colère qui estiment que les résultats de la présidentielle annoncés ont été truqués. Impossible de dire à ce stade si le mouvement de protestation va s’essouffler, ou s’il est parti pour durer.
Dans une déclaration commune, les cinq candidats d’opposition dénoncent la « grossière fraude » révélée par l’incohérence des chiffres de la Ceni sur la participation au vote. Sans appeler au soulèvement. Certains annoncent qu’ils déposeront des recours légaux. Une source gouvernementale estime que l’opposition « ne digère pas sa défaite ». Des membres de force de sécurité sont dépêchés pour contrôler la situation, à Moroni, le 17 janvier 2023.
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