Ceni
L’opacité de ces six jours de prolongation jette le trouble sur les résultats provisoires publiés par la Ceni. Ce jeudi 28 décembre, la Mission d’observation des élections (MoE) menée par les Églises catholique et protestante a présenté sa “déclaration préliminaire”., sur base de l’observation de près de 25 000 observateurs dans les bureaux de vote le 20 décembre, jour décrété pour le scrutin.
Vu le chaos évident ce jour-là, et documenté par cette MoE, des millions de Congolais n’ont pu exercer leur droit de vote. En cause, l’absence de machines, les bureaux fermés ou ouvert très tardivement, les pannes informatiques.
La Ceni, par la voix de son président Denis Kadima, a donc décrété sans l’aval de la Cour constitutionnelle qui aurait dû statuer sur cette décision, de prolonger le scrutin d’un jour. Ensuite, parfois à la surprise même du personnel de la Ceni à pied d’œuvre au QG de Kinshasa, les témoins ont découvert que des bureaux de vote ouvraient encore chaque jour, aux quatre coins du pays dans l’apparente désorganisation et en toute illégalité.
Un seul jour Avec la prudence extrême qui les caractérise, les porte-parole de l’Église catholique et protestante, après avoir évoqué les rapports reçus de leurs observateurs le 20 décembre (42 796) et les soucis relevés à de nombreux niveaux, se sont penché longuement sur “l’analyse du cadre juridique national”. Ils sont ainsi revenus sur l’article 52 de la Loi électorale qui stipule que “le vote pour le scrutin direct se tient le dimanche ou un jour férié. Il a lieu de 6h à 17h.
Toutefois, le préposé de la Ceni remet le jeton aux électeurs présents et le vote continue jusqu’au vote du dernier électeur muni du jeton”. RDC : Chaos, confusion et colère face à un processus franchement frauduleux Ce qui explique notamment que le gouvernement congolais a dû décréter le mercredi 20 décembre comme une journée chômée et payée.
La MoE insiste encore que “la prolongation des opérations de vote et de dépouillement jusqu’au 21 décembre” a été annoncée par des communiqués de presse et non des décisions de justice, soulevant une légèreté coupable dans le chef de la présidence de la Ceni. La MoE poursuit : “la Ceni informe qu’aucun bureau de vote ne devrait ouvrir après cette date”.
Or, sans discussion possible, les élections se sont poursuivies jusqu’au… 27 décembre. Modification du calendrier Ces croques en jambe à la législation a donc modifié le calendrier électoral. “Il est urgent que les instances habilitées évaluent la légalité des opérations de vote qui se sont déroulées la journée du 21 décembre 2023”.
Un peu plus loin, le rapport évoque encore que le vote s’est donc finalement étalé jusqu’au 27 décembre, contrairement à ce que disaient les communiqués de presse. “Il est donc question de savoir quel sort la Ceni et d’autres instances habilitées réservent aux suffrages recueillis après le 21 décembre”, ajoute le texte.
Elections en RDC : les évêques catholiques au centre de toutes les attentions Toute une série de remarques qui, malgré les appels à la retenue lancés ce jeudi, n’ont pas empêché la Ceni de laisser diffuser une petite musique qui voudrait que le président sortant Félix Tshisekedi disposerait déjà, sur base de 75 % des bureaux dépouillés, d’une avance qui lui garantit la victoire finale.
Un candidat se démarque largement Pour asseoir cette conviction, les tenants du régime se basent aussi sur une petite phrase des conclusions du rapport préliminaire qui dit “qu’un candidat s’est largement démarqué des autres avec plus de la moitié des suffrages à lui seul”.
Pour les Tsisekedistes, qui découvrent leur leader en tête sur le tableau de la Ceni avec près de 75 % des suffrages, il ne fait aucun doute que ce candidat est leur favori. “Ce n’est pas aussi simple, explique un politologue attentif au dépouillement. “Ce qui est certain, c’est que l’évolution des chiffres, déjà sujets à caution le 20 décembre, pose de graves questions de crédibilité dès le lendemain.
Évidemment, le travail de la MoE ne porte justement que sur la journée du 20 décembre. Le reste est invisible pour les observateurs qui n’ont pu constater que ce qu’il se passait dans les bureaux de vote, pas dans les chambres, les salons ou autres lieux privés où ont été découvertes des machines à voter bourrées par des candidats ou des alliés du pouvoir”.
Seule évidence, les machines à voter qui se sont ainsi retrouvées en liberté étaient la propriété et la responsabilité exclusives de la Ceni et se sont perdues systématiquement entre les mains des sympathisants du pouvoir. Une évidence corroborée notamment par les observateurs de l’ONG La Voix des sans Voix, qui pointent “certains ministres, gouverneurs, députés nationaux et provinciaux et des sénateurs” dans ces malversations.
RDC : Un film en montage documente les fraudes lors de l’élection du 20 décembre Ces différents éléments expliquent la “prudence” de la MoE à l’égard des chiffres de la Ceni et des résultats rentrés après la journée du 20 décembre. Ils justifient aussi leur demande auprès de la Ceni de “préciser le nombre de bureaux de vote qui ont ouvert le 20 décembre et ceux qui ont ouvert après cette date, en informant aussi sur le nombre de machines à voter et bulletins qui y ont été utilisés régulièrement”. ”
Dans la mesure où ce qui s’est passé après le 20 décembre n’a pas, ou très rarement, été documenté par des observateurs, cette demande de la MoE est essentielle pour comprendre l’évolution suspecte des chiffres après la journée du 20 décembre”, explique l’observateur, qui regrette “l’opacité de ces flux essentiellement informatiques”.
Pour plus de transparence certains appellent à un audit informatique de la Ceni. “Dans ce contexte, la mort de l’expert informatique de la mission de l’Union européenne est très dommageable”, conclut, l’un d’eux.
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