Le jugement était très attendu. Mercredi matin, la Cour suprême britannique a confirmé à l’unanimité de ces membres la décision énoncée fin juin par la Haute Cour de justice : l’accord signé par le Royaume-Uni pour l’envoi de demandeurs d’asile au Rwanda pour que celui-ci traite leur dossier est illégal.
“En nous demandant s’il existait des motifs sérieux de croire qu’un risque réel de refoulement (le retour forcé d’une personne dans un pays où il serait persécuté, NdlR) existait à l’époque concernée, nous avons conclu que c’était le cas, a indiqué le juge Robert Reed. Les changements nécessaires pour éliminer le risque de refoulement peuvent être apportés à l’avenir, mais il n’a pas été démontré qu’ils étaient en place aujourd’hui.” Le juge a estimé que le gouvernement n’avait pas pris en compte l’avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui avait jugé les pratiques rwandaises en termes de demandes d’asile “injustes” et “arbitraires”.
La nouvelle a été accueillie par les cris de joie des militants pour les droits des demandeurs d’asile présents aux abords de la Cour suprême. Leur joie pourrait cependant être de courte durée.
Quelques minutes plus tard, le Premier ministre Rishi Sunak a réaffirmé à la Chambre des communes qu’il n’abandonnait pas son plan. Les juges “ont confirmé que le principe d’envoyer des demandeurs d’asile vers un pays tiers sûr est légal”, s’est-il justifié. Ainsi, “le gouvernement a déjà travaillé sur un nouveau traité avec le Rwanda” pour répondre à leurs demandes.
Le gouvernement ne lâche pas l’affaire
Comme l’a précisé dans la foulée son nouveau ministre de l’Intérieur James Cleverly, nommé lundi à ce poste après le renvoi de la radicale Suella Braverman, “le gouvernement a travaillé au cours des derniers mois avec le Rwanda […] pour régler la question de sa capacité d’accueil. Nous avons aussi retravaillé notre accord avec eux pour nous assurer que les demandeurs d’asile qui seront envoyés là-bas ne pourront pas être envoyés dans un autre pays que le Royaume-Uni”.
La détermination des conservateurs s’explique par des raisons politiques : Rishi Sunak veut pouvoir montrer avant l’élection générale de 2024 qu’il agit pour limiter l’attractivité de son pays auprès des migrants. Et ce même s’il a reconnu le mois dernier dans son discours du congrès conservateur qu’il pensait “souvent à la façon dont nos vies seraient différentes si mes grands-parents n’avaient pas quitté l’Inde et l’Afrique de l’Est il y a tant d’années”.
Concrètement, aucun demandeur d’asile arrivé sur le sol britannique ne sera envoyé au Rwanda à court terme. Une fois le futur traité avec Kigali signé, il devra être entériné par les députés. Londres attendra ensuite sans doute la confirmation de sa légalité par la Haute Cour de justice. Le premier vol, organisé en juin 2022 après la signature d’un accord pour 160 millions d’euros, avait été annulé au dernier moment après l’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme.
Néanmoins, Rishi Sunak a reconnu que “s’il apparaît clairement que le cadre juridique national ou nos conventions internationales contrecarrent nos projets, je suis prêt à modifier nos lois et à réexaminer nos relations internationales”. Cela signifie-t-il rejeter la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, comme Suella Braverman invitait à le faire, elle qui avait estimé que cette dernière n’était plus adaptée à l’époque ? Ou comme l’ont réclamé plusieurs députés conservateurs, dont le vice-président du parti Lee Anderson qui encourage le gouvernement à “ignorer la loi” ?
James Cleverly a considéré que “cette option ne serait sans doute pas nécessaire”. Ministre des Affaires étrangères pendant plus d’un an, il perçoit mieux que ses collègues l’effet qu’aurait une telle décision sur l’image du Royaume-Uni.
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