Le service du renseignement militaire en République démocratique du Congo (ex-Demiap) est sur la sellette depuis la fin du printemps. En cause : deux dossiers qui visent deux opposants du parti politique Ensemble pour la République de Moïse Katumbi.
RDC : Dossier Chérubin Okende, qui veut vraiment connaître la vérité sur cet assassinat ?
Acte I. Le 30 mai dernier, les services dirigés depuis le 3 octobre 2022 par le général-major Christian Ndaywell, interpellent violemment sur le tarmac de l’aéroport international de Ndjili, à Kinshasa, Salomon Kalonda, le principal conseiller de Moïse Katumbi pour détention illégale d’arme, collusion avec le Rwanda et les rebelles du M23. Le 5 juin, le renseignement militaire a assuré, en conférence de presse, que Salomon Kalonda était “en contact permanent” avec ces derniers, expliquant dans la foulée, que “l’un des objectifs était de renverser le pouvoir en place en RDC par tous les moyens, et d’installer un ressortissant katangais”.
Plus de 5 mois plus tard, les services congolais n’ont apporté aucune preuve à charge mais refusent toute libération conditionnelle du détenu, hospitalisé depuis plus d’un mois, et dont l’état de santé se détériore, selon plusieurs médecins.
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Acte II. Le 13 juillet dernier, le corps sans vie de Chérubin Okende est découvert au volant de sa jeep à Kinshasa. Ancien ministre des Transports, porte-parole du parti Ensemble pour la République et député national, M. Okende a été enlevé la veille alors qu’il se trouvait dans son véhicule sur le parking de la Cour constitutionnelle.
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Crime de guerre
Un enlèvement documenté fin août par un rapport de l’Agence nationale de Renseignement (ANR) qui explique : “un pick-up des renseignements militaires avec six soldats à bord a débarqué sur les lieux. Deux soldats sont entrés dans la jeep et ont forcé la victime à démarrer”. D’après le récit du département de sécurité intérieure de l’ANR, Chérubin Okende a ensuite été exfiltré et conduit à bord du pick-up directement dans les locaux des renseignements militaires, l’ex-Demiap, le service dirigé par le général-major Christian Ndaywell. Le corps de Chérubin Okende sera retrouvé sans vie quelques heures plus tard.
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Près de quatre mois après cet assassinat, la famille de Chérubin Okende n’a toujours pas pu récupérer la dépouille de l’ancien ministre. L’enquête semble au point mort et aucun élément de l’autopsie, menée le 3 août dernier en présence, notamment, d’une experte belge dépêchée par Bruxelles à la demande expresse de la présidence congolaise, n’a jamais été communiquée.
La famille de Chérubin Okende a multiplié les démarches au Congo pour que la dépouille lui soit rendue et pour connaître l’état d’avancement de l’enquête… sans résultat.
Plainte en Belgique
”Il ressort des premières constatations médico-légales effectuées sur la dépouille, que la victime a reçu, au cours de son enlèvement et sa détention ou séquestration, des blessures, des coups, et subi des violences physiques volontairement exercées par des agents de la fonction publique à l’instigation du Chef des renseignements militaires ou avec son consentement express ou tacite, dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux, ou de faire subir des représailles, ou de procéder à des actes d’intimidation, de telle façon qu’il a été retrouvé mort le 13 juillet 2023”, peut-on lire dans la plainte déposée le 7 novembre devant la justice belge par l’avocat Alexis Deswaef. Sa plainte, au nom de plusieurs membres de la famille de Chérubin Okende, vise directement le chef de l’ex-Demiap. La compétence de la justice belge ne fait aucun doute : Christian Ndaywell étant de nationalité belge.
Né en France, fils d’un grand historien congolais, Christian Ndaywell a vécu plusieurs années à Saint-Gilles. Ceux qui l’ont connu à l’époque se souviennent de sa fascination pour l’armée. “Dès qu’un haut-gradé était de passage à Bruxelles, il faisait tout pouvoir le rencontrer”, explique un de ses amis de l’époque.
Pas de double nationalité
Le 19 mai 2005, l’homme obtient la nationalité belge, à laquelle il n’a jamais renoncé. L’article 10 de la Constitution congolaise, dans son premier alinéa, prévoit “La nationalité est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre”. Le patron des renseignements militaires congolais, Christian Ndaywell, est donc toujours belge.
La plainte pour “crime de guerre, comprenant l’homicide intentionnel et la torture” déposée devant la justice belge demande notamment que le rapport de l’expert belge ayant participé à l’autoposie soit joint à l’instruction du dossier.
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Un homme du président
Christian Ndaywell est arrivé à la tête du service de renseignement militaire à l’occasion d’un vaste remaniement militaire voulu en octobre 2022 par le président de la République Félix Tshisekedi qui entendait muscler son dispositif militaire et placer des hommes de confiance aux postes clés…
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