Banel et Adama sont comme deux oiseaux inséparables. Toujours proches l’un de l’autre, attentionnés, prévenants. Ensemble, quand il faut conduire le bétail, ensemble quand il faut désensabler leur futur maison. Leur complicité fait plaisir à voir et on se dit qu’ils ont eu de la chance de s’être trouvés d’autant que leur mariage a été arrangé en suivant la tradition, après le décès inopiné du frère aîné d’Adama. Banel rêve de vivre loin du village avec son cher époux, loin des tâches routinières réservées aux femmes, qui l’enserrent et l’enferment. Elle ne veut ni maison, ni enfant, ni responsabilité dans le village, juste vivre avec Adama dans les belles maisons de la vallée, dans ce coin aride du Nord du Sénégal.
Mais la sécheresse s’installe et oblige Adama à partir toujours plus loin avec son troupeau, tandis que Banel doit à présent travailler au champ. La jeune femme supporte mal la séparation et le retard pris par leur projet d’avenir.
Dans le village, les tensions montent parce que les bêtes souffrent et dépérissent. Certains jeunes partent chercher du travail ailleurs et tout le monde en veut à Adama d’avoir refuser de devenir chef du village. Entre sa mère qui veut qu’il accepte cette responsabilité dévolue à sa lignée et Banel qui ne veut pas en entendre parler, Adama est de plus en plus écartelé.
Un amour incandescent et un pays rongé par la sécheresse
Comme le sable qui recouvre les maisons dans ce désert qui avance, la puissance lumineuse des images de Ramata-Toulaye Sy emporte tout sur son passage et s’impose face à nos regards conquis. En même temps que l’histoire de Banel s’insinue au creux de nos oreilles, portée par la voix de la jeune femme. C’est l’histoire d’un amour fou qui refuse les règles immuables et la résignation, qui franchit tous les obstacles. Puisque Banel et Adama s’aiment, il faut qu’ils puissent être liés à jamais.
La présence magnétique de la jeune comédienne, Khady Mane, sorte de Diane chasseresse à la détermination sans faille, permet à la jeune réalisatrice franco-sénégalaise d’imposer son histoire singulière et forte d’une jeune femme profondément éprise d’amour et de liberté. Une figure moderne et universelle dans un cadre pourtant immuable.
A la force du conte et de la tradition, Banel veut opposer sa détermination.
Face au quotidien qui se dégrade et à l’incompréhension des villageois qui gronde, Banel n’a que son amour absolu et sa détermination à leur opposer, ce qui fait d’elle un personnage de tragédie grecque aux aspects tranchants. Une femme seule contre une communauté soudée. A mesure que les épreuves se multiplient sur la route du couple, l’idylle et l’amoureuse idéale révèlent leur part d’ombre, plus tourmentée, remettant en cause l’image que l’on peut avoir de ce joli duo et de l’équilibre qui est habituellement établi entre le masculin et le féminin.
La sécheresse, qui s’abat sur le village et le décime peu à peu, souligne aussi la réalité du dérèglement climatique qui frappe l’Afrique avec une violence toute particulière et une cruauté d’autant plus grande que le continent ne fait pas partie des responsables principaux de la catastrophe écologique en cours.
Au-delà de sa figure féminine singulière, le film de Ramata-Toulaye Sy est aussi un hommage à sa communauté peule, celle de ses parents et de ses ancêtres, première victime d’une Afrique rurale de plus en plus désertique.
Après sa présentation saluée à Cannes, le film figure au sein de la compétition Première oeuvre du Festival international du film francophone (Fiff), qui se clôt vendredi à Namur. Le film Banel et Adama*** est à voir ce mercredi 4/10 à 20h30 et jeudi 5/10 à 15h30.
Karin Tshidimba
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