« Une jeunesse italienne »: travailleurs migrants, un rêve européen en suspens

« Une jeunesse italienne »: travailleurs migrants, un rêve européen en suspens

Sokuro habite avec son petit frère, son père et sa mère en Italie. Le reste de sa famille séjourne au Burkina Faso. C’est là que réside aussi sa future épouse, Nassira. Un mariage arrangé qui semble satisfaire les deux jeunes gens. A son retour en Italie, il espère obtenir un CDI pour pouvoir faire venir la jeune fille. Mais l’argent ne suffit jamais. « Tu voudrais construire une maison au pays, mais tu dois d’abord payer ton loyer ici, c’est difficile », confie-t-il à un de ses amis.

Sokuro perd son emploi et doit tout recommencer à zéro. Petit à petit, sa foi en l’avenir s’effrite. Comment entamer les démarches pour le visa de Nassira ? Pendant ce temps, la jeune fille se morfond à quelques kilomètres de la capitale Ouagadougou et est d’autant plus triste que, faute d’argent, Sokuro ne peut plus voyager. Chacun souffre visiblement dans son coin. Leurs rêves semblent même désormais opposés. Alors que l’un voudrait rentrer, l’autre ne rêve que de partir, coincés chacun de part et d’autre du miroir aux alouettes.

Deux jeunes face à leurs rêves d’avenir

Mathieu Volpe a rencontré Sokuro lors de l’été 2015, alors qu’il préparait un court métrage documentaire sur les travailleurs migrants travaillant à la récolte des tomates, à quelques kilomètres de la ville où il a grandi, dans le sud de l’Italie. Venus du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso ou de la Côte d’Ivoire, après la traversée et la quête d’un travail, ils ne sont pas au bout de leur peine.

Âgés de 23 ans et parlant tous les deux le français et l’italien, Mathieu et Sokuro se sont liés d’amitié.  Un jour, Mathieu apprend que Sokuro va se marier, pour respecter la tradition et les espoirs de ses parents. Il veut réunir suffisamment d’argent pour faire venir sa femme en Italie. L’idée d’un long métrage documentaire s’impose dans l’esprit du jeune réalisateur, l’occasion de dépasser les discours réducteurs sur les migrants.

Une jeunesse italienne explore l’envers du rêve européen pour un jeune Africain scolarisé et installé en Italie. Que se passe-t-il lorsqu’on est arrivé sain et sauf et que l’on veut trouver du travail, soutenir sa famille ? Quelles sont les étapes à franchir ? Comment vit-on en exil ? Sokuro n’est pas seul mais, malgré cela, la solitude lui pèse, loin de son pays et, désormais, de sa jeune épouse. Le film montre bien à quel point cet éloignement géographique ronge son enthousiasme, sa confiance en lui. Il symbolise aussi une responsabilité énorme pour ceux qui ont «réussi à rejoindre l’Europe», devenant ainsi les piliers de toute une communauté déterminée à échapper à la misère.

Dépasser les clichés

Le film permet de dépasser les statistiques et les clichés concernant la migration et de voir comment se construisent ces existences entre parenthèses où, même quand on dispose d’un salaire et d’un toit, on rêve surtout de pouvoir vivre avec les siens, décemment et en paix.

Oscillant entre documentaire et fiction, ce premier long métrage offre un point de vue éclairant sur une réalité souvent ignorée, tenue hors des feux clignotants de l’actualité. Le film capture cet étau qui, peu à peu, semble se refermer sur Sokuro. Une vie pleine d’obligations, qui ne lui correspond pas vraiment, l’enferme bien plus qu’elle ne le libère et semble rendre ses rêves bien précaires face à une réalité entravée.

Karin Tshidimba

Présenté au Festival dei Popoli à Florence, le film connaîtra sa première belge dans le cadre du Briff (Brussels International Film festival) ce week-end (samedi 1er à 21h15 et dimanche 2/07 à 13h). Il sera ensuite projeté dans différentes salles à Bruxelles et en Wallonie à partir du 5 juillet.

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