“Si ça continue de la sorte, il faudra bientôt un sac à dos rempli de billets de francs burundais même pour acheter un petit électroménager”, s’insurge un habitant de Bujumbura, la capitale économique.
Depuis des mois, le franc burundais se déprécie, l’inflation s’enflamme, les banques se vident et les pénuries se succèdent. Le dollar américain qui valait 3 800 francs burundais au début du mois est passé à 4 200 francs en ce début de semaine. Dans plusieurs villes du pays, des files, importantes, se reforment devant les stations-service. “On est dans un mouvement d’alternance. Parfois, c’est l’essence qui manque, parfois le diesel. Ce début de semaine, ce sont les deux”, explique un conducteur, agacé par ces longues heures d’attente “inutiles”. “Il n’y a rien d’annoncer pour les prochains jours. Par contre, au marché au noir, il est toujours possible de trouver de l’essence, mais il faut débourser plus de 5 000 francs pour un litre. Ce qui est impayable pour la grande majorité des Burundais.”
La crise financière et la méfiance accrue vis-à-vis des banques se font de plus en plus ressentir également. “Si l’État a besoin d’argent, tout le monde craint qu’il passe se servir dans les banques, donc on n’a plus confiance”, explique un autre habitant de Bujumbura énervé par le fait que “même dans agences bancaires, il n’y a plus de billets de 10 000 francs. La valeur la plus élevée est de 2 000 francs, moins de deux dollars”. Beaucoup accusent les dignitaires de l’État de “dormir sur des matelas de billets de grosses coupures. »Mais tous pointent aussi le fait que ces gens qui ont ces “pactoles” voient leur “richesse fondre à vue d’œil à cause de l’inflation”.
Cercle vicieux
Le Burundi s’appauvrit à grande vitesse. Les caisses de l’État se vident, les rentrées sont faméliques et le pouvoir refuse de se plier aux demandes des instances financières internationales, comme la dévaluation du franc et l’audit de la Banque centrale demandés par le FMI. “On risque purement et simplement la faillite de l’État”, ose un observateur qui insiste notamment sur la responsabilité du pouvoir en place dans le tarissement des rentrées du secteur minier, à l’arrêt depuis trois ans. Le régime estimait que le code minier en vigueur était trop favorable aux sociétés privées. Du coup, tout a été mis à l’arrêt, seuls quelques carrés miniers artisanaux fonctionnent au ralenti. Le nouveau code minier est rédigé, il a été présenté en première lecture au parlement il y a trois semaines. “Avec un tel texte, les investisseurs ne sont pas près de revenir”, prédit un connaisseur du milieu. “Le pouvoir, aux abois, exige qu’au premier jour de la 3e année d’exploitation, les sociétés rétribuent l’État. Quand on sait les investissements nécessaires dans le secteur, cette pression va les faire fuir, d’autant qu’il n’y a pas d’infrastructures. Les miniers devront construire les routes pour arriver aux mines et s’équiper de générateurs pour pallier le manque d’électricité.”
Pas étonnant dans ce contexte que les investissements directs étrangers soient en chute libre, même constat pour l’aide au développement qui ne cesse de diminuer depuis une bonne dizaine d’années dans un pays qui ne parvient pas à répondre aux exigences minimales de bonne gouvernance. Les rentrées de devises venant de la diaspora ont aussi souffert depuis la crise du Covid en 2019. Tous ces chiffres qui virent au rouge poussent encore le pays un peu plus vers un abîme économique.
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