La transition entre les deux hommes avait pourtant été exemplaire en 2018: après dix années au pouvoir, M. Khama avait démissionné au terme d’un second mandat, comme prévu par la Constitution. Son vice-président Mokgweetsi Masisi, qu’il avait lui-même choisi comme successeur, avait alors sans surprise pris la relève.
La vie politique au Botswana fait généralement peu de bruit. Le pays gros producteur de diamants est une des démocraties africaines les plus stables. Mais aujourd’hui, l’ancien chef d’Etat promet une campagne féroce pour détrôner son remplaçant de 60 ans, qu’il considère comme une menace pour la démocratie dans le pays d’Afrique australe.
« Je dois réparer l’erreur que j’ai commise en nommant Masisi pour me succéder », a-t-il confessé dans un entretien à l’AFP lors d’un passage à Johannesburg.
« C’était une énorme erreur, que le pays regrette. Il a totalement sapé la démocratie, les droits de l’homme, l’Etat de droit et s’est immiscé dans le système judiciaire », fustige-t-il.
L’ONG Amnesty international a notamment condamné une « hausse très inquiétante » du nombre d’exécutions de condamnés dès la première année du mandat de M. Masisi. La peine de mort est encore appliquée pour meurtre au Botswana, seul pays d’Afrique australe à procéder encore à des exécutions.
Sollicités par l’AFP, ni le président, ni le porte-parole du gouvernement n’ont donné suite.
– « Version botwanaise de Trump » –
A 70 ans, l’ex-président Khama, installé en Afrique du Sud après son retrait de la vie politique, se prépare à rentrer au pays, avec un plan. Il veut ragaillardir l’opposition et former une coalition pour battre à la présidentielle l’an prochain M. Masisi, qu’il décrit comme « la version botswanaise de Donald Trump ».
« Depuis l’indépendance, nous avions une très bonne réputation en matière de démocratie, nous brillions sur le continent africain. Nous étions réputés dans le monde pour notre adhésion à la démocratie. Et puis cet homme arrive un jour et renverse tout », regrette-t-il.
Ian Khama se présentera à la présidence de son propre parti le mois prochain. Il a claqué la porte du Parti démocratique du Botswana (BDP), au pouvoir depuis l’indépendance de l’Angleterre il y a près de 60 ans. Son père et premier président botswanais, Seretse Khama, avait cofondé le parti.
Mais selon l’ancien président, des manigances pour le neutraliser et le jeter en prison dès son retour ou même l’empoisonner, sont en train d’être mises au point. En décembre, les autorités du pays ont émis un mandat d’arrêt contre lui pour possession illégale d’armes à feu.
En prévision du pire, il dit avoir mis à jour ses dernières volontés.
« Ils craignent que je puisse encore jouer de mon influence et que je puisse peser sur l’opinion publique. Mais il n’y en a pas besoin, le désir de changer de régime est déjà là », affirme M. Khama.
Lorsqu’il avait quitté le pouvoir, l’ex-président avait pourtant déclaré tirer un trait sur la politique, songeant notamment à s’adonner à l’agriculture. Mais il est aujourd’hui « déterminé à faire en sorte que cet homme (Masisi) s’en aille ».
Dans un discours à un rassemblement du BDP fin janvier, Mokgweetsi Masisi a toutefois semblé chercher l’apaisement. « Je prie pour que nous nous retrouvions un jour (…) pour nous demander mutuellement pardon », a-t-il assuré.
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