Les temps ont bien changé ! Avec la crise du Covid et le confinement de la Chine, avec l’offensive russe sur l’Ukraine, l’Afrique a retrouvé une place centrale sur l’échiquier économique mondial.
Au tournant des années 1990, après la chute du mur de Berlin, le monde a eu l’attention captée par l’est de l’Europe, délaissant le continent africain qui apparaissait désormais comme un terrain conquis par un Occident triomphant. Du coup, Européens et Américains ont quelque peu délaissé ce vaste et riche territoire aux appétits chinois. Avec constance, sans trop d’interférences politiques apparentes, pragmatiques à outrance, les Chinois ont mis la main sur les principales richesses d’un continent qui trouvait dans ces partenariats sino-africains des moyens d’obtenir ce qu’il n’avait pas (de l’argent) contre ce qui ce qu’il disposait en abondance mais qui semblait peu intéresser le reste des États du monde : les matières premières (de la terre au cobalt). La Chine débarquait avec une politique suivie quand l’Occident, marqué par son histoire récente avec le continent, se montrait frileux et abandonnait ce terrain à des entreprises privées qu’il feignait de ne pas voir.
La crise du Covid, la limitation des exportations chinoises, ont fait comprendre à l’Europe et aux États-Unis que cette dépendance chinoise était un risque majeur pour toute leur économie. Du coup, l’Afrique est revenue au centre de bien des intérêts. Les commis voyageurs européens et américains ont repris le chemin de l’Afrique avec un discours qui se veut plus moderne, qui tente de se débarrasser de ces accents paternalistes et qui veut définitivement tourner le dos à ce passé pour “engager un nouveau dialogue d’égal à égal”, expliquait récemment un diplomate européen présent en Afrique central.
Sentiment anti-français
Dans ce contexte d’un retour – presque – obligé en Afrique, la France peine particulièrement dans son ancien pré carré ouest-africain. Après avoir dû abandonner sa présence militaire au Mali, elle est poussée hors du Burkina Faso et les campagnes anti-françaises, sur lesquelles souffle Moscou qui trouve là un terrain fertile, se multiplient dans toute l’Afrique.
Ce sentiment anti-français n’est pas neuf et n’a de cesse de perturber les responsables français. Le 28 février 2008, au Cap, en Afrique du Sud, le président de l’époque, Nicolas Sarkozy, évoquant ces relations franco-africaines, expliquait : “Ce qui est considéré comme normal avec d’autres régions du monde fait naître le soupçon quant aux intentions du gouvernement français dès qu’il s’agit de l’Afrique. La jeunesse africaine entretient avec la France une relation ambivalente d’attirance et de contestation”. Quinze ans plus tard, le président Macron, qui terminait ce samedi un voyage qui s’est concentré sur l’Afrique centrale avec des arrêts au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzavile et en République démocratique du Congo, aurait pu tenir le même langage.
Win – Win ?
À Kinshasa, le déplacement du président de la République française, flanqué d’une délégation d’hommes d’affaires, des commissaires européens Jutta Urpilainen (partenariats internationaux) et Thierry Breton (marché intérieur), était centré sur l’économie avec la tenue d’un Forum économique RDC – France – UE. “La France et l’Europe ont besoin des richesses du sous-sol congolais”, poursuit un diplomate européen. Le président Tshisekedi, qui louche sur une réélection lors de la présidentielle du 20 décembre, le sait pertinemment bien. Et dans cette campagne politique congolaise qui se déroule sur fond de guerre dans l’est de son pays, Félix Tshisekedi tente de convaincre ses interlocuteurs que tous ses soucis découlent d’une politique d’ingérence et prédatrice du Rwanda.
Il tente dès lors d’obtenir la condamnation du Rwanda et l’imposition de sanctions contre le pouvoir de Paul Kagame. Une lecture biaisée et qui, si elle attire le soutien de la plupart de ses thuriféraires locaux, ne convainc guère ses “visiteurs”. Félix Tshisekedi, espérait le soutien du pape François de passage à Kinshasa au début du mois de février. Mais le pape, s’il s’est ému de la situation humanitaire dans l’est du pays, n’a pas condamné le voisin, alors qu’il pointait les manquements démocratiques de son hôte. Rebelote un mois plus tard avec Emmanuel Macron. Malgré la pression mise sur Paris et ses relations avec le régime rwandais, le président français a appelé chacun à “prendre ses responsabilités, y compris le Rwanda. […] Ce que nous attendons du Rwanda et des autres (y compris kinshasa, NdlR), c’est de s’engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent sous la supervision des médiateurs”. Emmanuel Macron faisait allusion au plan mis sur pied par le président angolais pour tenter de sortir de cette crise dans l’Est. Une médiation dont le Français avait pu discuter la veille avec son homologue angolais et qui prévoit notamment un dialogue avec la rébellion du M23 qui occupe une vaste zone dans la province du Nord-Kivu. Une zone qui prive aujourd’hui Kinshasa de l’accès aux principales mines de cobalt.
Tshisekedi qui a toujours présenté le M23 comme une 5e colonne rwandaise, comme des “terroristes” avec lesquels aucun dialogue n’est possible, n’a donc une fois de plus pas obtenu ce qu’il cherchait, il s’est même, dans un “ping-pong” verbal, selon l’expression de Macron, fait rappeler sa responsabilité dans la crise à l’est mais aussi les conditions peu démocratiques dans lesquelles il est arrivé au pouvoir.
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