À Uvira, dans le Sud-Kivu, les militaires burundais déployés en République démocratique du Congo dans le cadre des forces de l’East African Community pansent leurs plaies au retour d’une mission qui a fait bien des dégâts matériels et humains. Officiellement, les troupes burundaises sont déployées en RDC depuis le 15 août dernier. “Les Burundais ont été les premiers à s’engager dans ce processus mis sur pied par l’East African Community”, se souvient un membre des forces armées congolaises de la province, qui ajoute : “Il faut dire qu’ils n’avaient pas attendu cet accord pour venir pourchasser en RDC les milices burundaises hostiles au pouvoir du président Ndayishimiye.”
Six cents hommes ont été déployés dans un premier temps pour lutter contre les milices RED-Tabara et le Front de libération nationale (FNL). “Au total, ces deux mouvements rebelles ne regroupent guère plus de 400 hommes, explique une source à Bujumbura qui ajoute, mais ils sont très mobiles et capables de se retirer sur les hauts plateaux dans la région de Fizi, des zones presque inexpugnables.” Dans cette région très accidentée, entre 1 500 et 3 000 mètres d’altitude, ces milices infligent des revers cuisants aux troupes burundaises peu habituées et pas équipées pour des combats sous une pluie glacée. “Ici, tout se fait à dos d’homme. Pas de véhicule, pas de bête de bât. Et ceux qui occupent ces plateaux disposent d’une vue imprenable. Impossible de lancer des attaques sans être vu.”
Les soldats burundais, qui ne bénéficient d’aucun “incitant” pour s’engager dans ces combats, contrairement aux militaires qui sont envoyés dans des missions onusiennes, “manquent de motivation”, explique, avec une bonne dose d’euphémisme, un jeune Burundais. “Pour mener cette chasse aux rebelles, les militaires burundais ont dû s’éloigner de leur base et rencontrent de solides problèmes de logistique, tant en munition qu’en nourriture”, explique le politologue de l’université de Liège Bob Kabamba, de passage fin de semaine dernière à Uvira.
Au moins 120 blessés soignés à Bujumbura
L’armée burundaise ne communique pas sur les résultats de cet engagement militaire et ses conséquences. “Il y a plus de 40 morts dans les rangs de l’armée burundaise, dont un colonel”, explique le militaire congolais. Selon plusieurs sources, qui confirment ces chiffres, plus de 120 militaires burundais, blessés dans ces combats, “sont soignés à Bujumbura”.
“Rapatrier ces blessés du front est un véritable défi, poursuit la source militaire congolaise. Comme l’intendance ne suit pas, il est impossible de soigner les militaires blessés sur place. Ils doivent donc être transportés sur une longue distance par leurs collègues. Pour un blessé, il faut deux soldats valides.” Ces évacuations déstructurent les lignes de front et ont contraint l’armée burundaise à renvoyer en ce début d’année 300 hommes supplémentaires en RDC. “Cela signifie aussi qu’on ne rapatrie pas des blessés trop affaiblis. Ils ne survivraient pas à ce trajet. Cela signifie donc que le bilan de 40, voire 50 morts qui circule aujourd’hui paraît bien en deçà de la réalité”, poursuit le militaire congolais.
Intérêts économiques
Cette région de Fizi et Mwenga dispose de gisements d’or qui sont exploités par des creuseurs artisanaux ciblés par les rebelles pour entretenir leur “effort de guerre”, mais aussi par les éléments de l’armée burundaise qui, selon plusieurs témoignages, n’hésitent pas à faire usage de leurs armes pour contraindre les petits exploitants de ces carrés miniers de leur céder leur production. “Jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas de budget pour ces troupes étrangères envoyées en République démocratique du Congo pour lutter contre les rebelles qui sévissent depuis des décennies aussi bien au Sud qu’au Nord-Kivu, mais aussi en Ituri”, constate un observateur congolais. Celui-ci insiste sur le “risque majeur” de voir ces milliers de militaires arrivés “en RDC, au prétexte de nous aider à nous débarrasser de ces milices rebelles, se transformer à leur tour en exploitants et en pilleurs de notre pays. C’est un vrai risque que nous courons parce que le chef de l’État n’a pas été capable de restructurer son armée et s’est contenté de sous-traiter la défense de notre territoire”.
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