Ils sont quatre comme les mousquetaires. “Plutôt comme les Dalton de Morris et Goscinny”, s’amuse un Burundais de Belgique qui connaît ses classiques en bande dessinée, avant d’ajouter “mais ils sont nettement moins amusants”.
Ces quatre hommes sont les généraux qui, à la tête du Burundi, concentrent la “gestion systématique et méthodique de pans entiers de l’économie nationale”, ajoute un autre Burundais.
Le “système” mis en place, baptisé “Régime DD”, s’organise autour du président de la République Évariste Ndayishimiye, alias “Neva” flanqué du Premier ministre, installé le 7 septembre, Gervais Ndirakobuca, alias “Ndakugarika” (“Je te tue”), sobriquet qui lui a été donné lors de son passage dans la rébellion, du général Prime Niyongabo, le chef d’État-major de l’armée burundaise, et du général Ildéphonse Habarurema en charge du Service national de renseignement (SNR), surnommé King-Kong.
“Les quatre hommes se réunissent plusieurs fois par mois pour prendre toutes les décisions importantes pour la gestion du pays”, explique un cadre du parti au pouvoir qui insiste : “Il ne faut pas perdre de vue que malgré leurs grades, ces militaires n’ont aucune formation militaire.”
“Le président Ndayishimiye aurait décroché une licence en droit à l’université de Bujumbura alors qu’il était chef du cabinet militaire à la présidence sous son prédécesseur Pierre Nkurunziza”, selon la même source.
Le chef d’État-major, le général Prime Niyongabo, gère, notamment, vu sa position au sein des forces armées burundaises, le départ des contingents vers les missions de la paix en Somalie et en Centrafrique.
“Engagez-vous, qu’il disait”
Des missions financièrement intéressantes pour lesquelles les candidats sont nombreux. Pour avoir une chance de se retrouver sur la bonne liste, il est bienvenu de verser sa dîme au boss. Le Burundi est présent en Somalie depuis 2007 avec un contingent qui oscille entre 5 000 et 5 400 hommes. Au fil des ans, les primes versées par l’Union africaine (largement financée par l’UE) sont devenues plus maigres, mais elles demeurent attractives. Au début du déploiement, les soldats burundais gagnaient 1 000 dollars par mois. Le “régime DD” en prélevait 200. Au fil des ans, la prime est passée à 800 dollars par miliaire, sans que le régime ne revoie à la baisse le montant prélevé. Il ne restait donc que 600 dollars par soldat, ce qui demeure une somme très appréciable au Burundi et dans la région. Mais la Banque de la république du Burundi (BRB), toujours en quête de devises, est aussi passée sur ces primes. Les montants versés aux militaires le sont désormais en francs burundais, ce qui représente une perte de 40 % de pouvoir d’achat pour les militaires.
Le général est aussi actif dans la finance à travers une société de microfinance dénommée Eden.
Le Premier ministre Gervais Ndirakobuca, pour lequel les sanctions de l’Union européenne ont été levées le 25 octobre dernier, supervise, lui, la gestion du “programme de création de coopératives”. Selon plusieurs sources proches de l’appareil d’État, “une grande partie des fonds alloués à ce secteur, soit plusieurs dizaines de millions d’euros, est largement détournée” au profit de “Je te tue”.
Le président Neva, rebaptisé “Kirogorogo” (“celui qui parle à tort et à travers”) depuis ses primaires, peut s’appuyer sur sa famille pour les affaires.
Son épouse est à la tête de la fondation Umugiraneza (“celui qui fait du bien”), un centre de formation pour les femmes qui “s’exportent” comme femmes de ménage dans les Émirats. Une formation a minima qui consiste à apprendre quelques mots d’arabe et les rudiments des tâches domestiques. La fondation perçoit 400 dollars par personne formée. Le président peut aussi compter sur le sens du business de ses 8 enfants, dont trois adoptés (3 garçons, 5 filles).
James et Alouine ont ainsi créé la société Line Electonic Technology qui rafle de nombreux contrats publics. Ils sont aussi partenaires dans la société Lydia Ludic, qui gère les casinos du même nom et dans la Loterie nationale. Une des filles du président, Navie Kelly, dirige une société de nettoyage et de restauration (Benentare) qui a notamment décroché les contrats pour le nouveau palais présidentiel (Ntare House)…
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