Dimanche soir, des terroristes islamistes appartenant au mouvement al-Shabab, affilié à Al-Qaïda, ont pris d’assaut l’hôtel Villa Rose en plein centre de la capitale Mogadiscio. Un siège qui a duré près de vingt et une heures et qui s’est terminé dans un bain de sang avec la mort de huit civils et des six assaillants, dont un s’est fait exploser, les autres étant abattus par les forces de l’ordre qui ont donné l’assaut lundi en fin d’après-midi. Les Shebabs somaliens sont en guerre contre l’État central de ce pays toujours fragile de la Corne de l’Afrique, qu’ils ont promis de renverser, depuis plus de quinze ans.
Cette attaque contre un hôtel de la capitale n’est pas une première dans l’histoire récente de ce pays. Le 20 août dernier, le mouvement al-Shabab avait déjà frappé Mogadiscio en menant une attaque sanglante contre un hôtel du centre-ville, faisant 21 morts et 117 blessés. Face à ce coup d’éclat, le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, revenu au pouvoir en faisant de la lutte contre le terrorisme son principal argument de campagne (après un premier mandat entre 2012 et 2017), avait lancé : “Je vous invite à vous préparer à une guerre totale contre ces gens sans pitié qui sont hostiles à notre paix.”
Guerre ouverte et totale
L’armée somalienne, soutenue par une union hétéroclite qui réunit des clans locaux, la force de l’Union africaine en Somalie (Atmis – 22 000 soldats) et qui bénéficie de l’appui de frappes aériennes américaines et de drones turcs Bayraktar, a repris le contrôle de la province de Hiran et de vastes zones du Moyen-Shabelle, dans le centre du pays. Certaines de ces zones étaient sous le contrôle des Shebabs depuis plus de sept ans. Cette bataille aurait fait plus d’une centaine de morts chez les islamistes, selon les médias locaux, généralement pro-gouvenement central, et elle témoigne surtout de la montée en puissance de la campagne anti-Shebab menée par Mogadiscio et ses alliés.
Face à cette offensive de l’État central, les djihadistes ont riposté par une série d’attaques sanglantes, démontrant leur capacité à frapper au centre des principales villes et jusqu’au cœur des installations militaires somaliennes, comme dans cette base de Mogadiscio attaquée le 5 novembre.
Le 29 octobre, deux voitures bourrées d’explosifs ont explosé à quelques minutes d’intervalle à Mogadiscio, tuant 121 personnes et en blessant 333 autres, ce qui en a fait l’attaque la plus meurtrière depuis cinq ans dans ce pays.
Le 23, c’est un hôtel de la ville portuaire de Kismayo qui était ciblé par une attaque.
Début octobre, un triple attentat à la bombe à Beledweyne (dans le centre) a fait 30 morts, dont des responsables politiques locaux. En août, dans des circonstances assez proches de ce qui s’est déroulé ces dernières heures, au moins 21 clients d’un hôtel de Mogadiscio ont été tués lors d’un siège de trente heures. Ce siège avait déjà posé bien des questions sur la manière dont les militants islamistes ont réussi à atteindre le cœur pourtant sous haute surveillance du district administratif de Mogadiscio sans être détectés. Des questions qui sont évidemment revenues ce lundi après l’assaut contre l’hôtel la Villa Rose.
10 millions de dollars de récompense
C’est dans ce contexte de bras de fer sans merci entre l’État et les islamistes qu’il y a deux semaines, le 14 novembre, Washington a annoncé, depuis son ambassade de Nairobi au Kenya, augmenter jusqu’à 10 millions de dollars la récompense permettant d’identifier trois chefs islamistes radicaux shebabs. “Le programme de récompenses pour la justice du Département d’État des États-Unis […] augmente ses offres de récompenses, jusqu’à 10 millions de dollars chacune, pour des informations permettant d’identifier ou de localiser les principaux dirigeants shebabs Ahmed Diriye, Mahad Karate et Jehad Mostafa”, a expliqué un communiqué du poste diplomatique américain, précisant que cette récompense s’applique également à toute information “perturbant les mécanismes financiers des Shebabs”.
Sur le terrain, la force de frappe du gouvernement et de ses alliés se montre largement supérieure à la dizaine de milliers de combattants shebabs. Mais si le pouvoir de Mogadiscio semble enfin engranger une série de résultats sur le terrain face à ces islamistes, c’est aussi incontestablement grâce à son alliance nouvelle et “pragmatique” avec des milices locales. Une nouvelle stratégie qui démontre la détermination du gouvernement à terrasser ces terroristes avec l’aide des Américains. Ces ma’awisley (fermiers) connaissent le terrain, les hommes, les coutumes et utilisent parfois des tactiques bien éloignées de celles des armées traditionnelles. Les “recruter”, c’est aussi s’assurer qu’ils ne versent plus leurs “impôts” aux Shebabs et ainsi priver ceux-ci de rentrées financières vitales.
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