Il n’est pas si loin le temps où Nina Simone déplorait de n’avoir pas pu mener la carrière de grande pianiste classique dont elle rêvait. Si les chanteurs et chanteuses lyriques noirs connus se comptent sur les doigts des deux mains : Jessye Norman, Barbara Hendricks, Grace Bumbry, Angel Blue, Axelle Fanyo, Pretty Yende, Cyrielle Ndjiki, Blaise Malaba, Serge Kakudji, Andréas Perez-Ursulet… Que dire du nombre de musiciens noirs accueillis au sein de formations professionnelles reconnues ?
Aujourd’hui encore, le monde de la musique classique apparaît trop souvent fermé, vieillissant et monochrome. La situation évoluant extrêmement lentement dans cet univers feutré, certains ont décidé d’empoigner le pupitre à deux mains et d’imposer un nouveau tempo. C’est notamment le cas de la contrebassiste Chinyere Adah « Chi-chi » Nwanoku, d’origine nigériane et irlandaise, qui a fondé en 2015 l’orchestre Chineke ! d’après le nom d’une divinité créatrice du Nigeria. Littéralement, le terme signifie « esprit de la création » en langue igbo.
Premier orchestre professionnel entièrement composé de musiciens noirs ou issus de minorités ethniques, il défend l’idée d’une musique classique plus accessible, plus jeune et plus diversifiée.
Le mot d’ordre de sa fondatrice ? « Défendre le changement et célébrer la diversité dans la musique classique ». La fondation se fixe pour objectif d’être un catalyseur de talents pour les musiciens d’aujourd’hui et de demain, en augmentant la représentativité des instrumentistes noirs et d’origines diverses dans les orchestres de Grande-Bretagne et d’Europe. Une visibilité qui passe notamment par l’organisation de concerts plusieurs fois par an à travers l’Europe. Après Amsterdam ce jeudi, l’orchestre sera en concert ce samedi à Bozar (Bruxelles), avant de mettre le cap sur Francfort dimanche 20/11 et Eindhoven lundi 21/11.
Au programme: des compositions écrites par des musiciens noirs
Le Chineke ! Orchestra y interprétera une grande œuvre du répertoire : la bien nommée « Symphonie du Nouveau Monde » de Dvorak – mais aussi des compositions écrites par des musiciens noirs : Samuel Coleridge-Taylor, George Walker et Florence Price.
Dirigé par le chef d’orchestre d’origine sri-lankaise Leslie Suganandarajah, le concert sera l’occasion de découvrir, en soliste, la pianiste Jeneba Kanneh-Mason, issue de la formidable fratrie de sept musiciens classiques au sein de laquelle le violoncelliste Sheku Kanneh-Mason s’est déjà distingué. Agé de 23 ans, il a été lauréat du prix BBC Young Musician 2016 et a joué au mariage du Prince Harry et de Meghan Markle en mai 2018.
La Fondation Chineke ! accorde une attention toute particulière à la découverte et au soutien de jeunes musiciens en leur dédiant une formation spécifique (The Chineke ! Junior Orchestra) qui révélera peut-être les Sheku et Jeneba de demain… Ainsi rappelle-t-elle au monde entier que la beauté et l’harmonie naissent autant des notes noires que des notes blanches. Et que le jazz, le blues ou le hip-hop ne sont pas les seuls domaines où les talents de toutes nationalités et couleurs de peau peuvent briller.
Karin Tshidimba
nb : Selon un rapport publié en 2016 par la League of American Orchestras, les musiciens noirs ne représentent que 1,8 % des membres d’orchestres et les latino-américains seulement 2,5 %. De telles données générales n’ont pas (encore) été collectées de ce côté-ci de l’Atlantique.
Réservations et détails sur le site de Bozar
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