Depuis la fin de 2021, dans l’est de la RDC, le groupe rebelle du M23, pourtant défait en 2013, est réapparu, infligeant de solides revers à l’armée nationale congolaise (FARDC), tuant des civils et poussant une fois encore des milliers de civils à l’exode. Depuis près d’un mois, les hommes du M23 occupent la ville de Bunagana, important nœud de connexion sur la frontière entre la RDC et l’Ouganda.
Pour le pouvoir congolais, il ne fait aucun doute que le Rwanda est à la manœuvre, que ces rebelles (qualifiés de terroristes par Kinshasa) ne peuvent entreprendre la moindre action sans l’aval de Kigali qui, toujours selon Kinshasa, serait le fournisseur d’armes, voire de main-d’œuvre. Des accusations que Kigali rejette en bloc.
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Sur le terrain, les affrontements se poursuivent entre l’armée congolaise et le M23. Les annonces des deux camps sont contradictoires, la seule évidence réside dans la poursuite des combats, la fuite de la population civile et la mort de combattants dans les deux camps dans le Nord-Kivu, au nord de Goma, dans le territoire du Rutshuru. “Après des affrontements violents la journée du lundi 5 juillet, un calme précaire est revenu dans toute la région mais les gens qui ont fui ne sont pas disposés à rentrer immédiatement”, nous explique Serge B., un habitant de Bikenke dans le groupement de Kisigari, un peu au sud des principaux affrontements.
Luanda à la manœuvre
C’est dans ce contexte que l’Union africaine a mandaté le président angolais Joao Lourenço comme médiateur de ce conflit. Le chef de l’État angolais, qui est déjà en campagne pour un scrutin présidentiel et législatif qui s’annonce très compliqué pour son MPLA face à son éternel adversaire de l’Unita, a accepté de relever le défi et a convié les présidents rwandais et congolais pour tenter de trouver une ébauche de solution à cette crise dans cette région de l’est qui vit un calvaire depuis plus d’un quart de siècle.
Ce mercredi, les deux présidents se sont donc retrouvés pour un tête-à-tête sous l’égide de leur homologue angolais.
Après une poignée de mains plus que tiède, les trois hommes se sont retirés quelques heures pour tenter de trouver un accord. La veille de cette rencontre, le président Tshisekedi s’était ouvert dans les colonnes du Financial Times pour expliquer sa détermination à en finir avec le M23 et expliquer que la RDC “veut la paix mais… mais si les choses se gâtent, à un moment donné, nous prendrons des mesures”. Avant de marteler une fois encore qu’“il ne fait aucun doute que le Rwanda soutient le Mouvement du 23 mars” et que “la RDC ne restera pas les bras croisés face aux attaques du M23 appuyé par l’armée rwandaise […] Si la provocation du Rwanda continue, nous ne resterons pas assis sans rien faire. Nous ne sommes pas faibles”.
Pas de signature de texte commun
Des propos qui n’ont pas aidé dans la recherche d’un consensus de sortie de crise. Derrière les sourires et les félicitations des deux camps adressées au président angolais, la portée de ce rendez-vous est loin d’être évidente.
“Jusqu’ici, tout vrai compromis est impossible à trouver tant que le Rwanda ne reconnaîtra pas son soutien au mouvement terroriste M23”, reconnaissait un diplomate angolais en marge de la rencontre entre les chefs d’État.
Tout reste à faire
Au sortir de cette tripartite, aucun accord n’a été signé par les trois hommes. Le président angolais a annoncé que ses deux hôtes s’étaient engagés dans un “processus de désescalade”. Joao Lourenço a aussi annoncé que les parties ont “décidé de créer un mécanisme d’observation ‘ad hoc’ qui aura à sa tête un officier angolais”.
Pour le reste, chacun y est allé de sa présentation des résultats de cette négociation. Selon Kinshasa, “la feuille de route prévoit la cessation immédiate des hostilités et le retrait immédiat et sans condition du M23 de ses positions en RDC”.
Du côté rwandais, on explique que “la feuille de route convenue à Luanda pour désamorcer les hostilités comprend la résolution de la question des FDLR tandis que la question du M23 doit être traitée au niveau national dans le cadre du processus de Nairobi”. Ce qui reviendrait à dire que Kinshasa a accepté de négocier avec le M23, ce qu’il avait exclu jusqu’ici.
Une lecture très différente de part et d’autre qui laisse augurer des lendemains bien compliqués.
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